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[Tribune] Face au coronavirus, l’Afrique est mieux préparée qu’on ne le pense

L’Afrique ne dispose certes pas de systèmes sanitaires aussi perfectionnés que ceux des pays du Nord. Mais elle connaît les risques que représente une épidémie. Très vite, certains pays ont su prendre des mesures vigoureuses et mutualiser leurs efforts.

C’est une évidence : l’Afrique n’a pas les infrastructures de santé à même de répondre à la diffusion massive du Covid-19. Certes, mais visiblement, la France, l’Italie et l’Espagne n’en disposent pas non plus. Malgré 5 000 lits de réanimation disponibles, les structures médicales de l’Hexagone ont très rapidement été mises sous pression.

Aussi, la vraie réponse face au Covid-19 réside plutôt dans la mise en place efficace des mesures barrières. Et en cela, l’Afrique est bien mieux préparée que le monde occidental. Que ce soit face à Ebola, à Zika ou dans le cas des conjonctivites saisonnières, l’Afrique a vécu des expériences qui lui ont permis de disposer des mécanismes de réponse adaptés à une telle situation.

Les gouvernements africains ont décrété pour la plupart l’état d’urgence global ou sanitaire avant le vingtième cas d’infection, à rebours de la sous-estimation de la menace en France, du déni américain ou du « laxisme » britannique.

Mesures précoces

Le Maroc a coupé ses liaisons aériennes et maritimes avec la France, l’Espagne ou l’Italie, dès le 13 mars, au septième cas déclaré sur son territoire. Puis, le 20 mars, le Sénégal a fermé ses frontières, suivi de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso et du Cameroun. Par comparaison, lorsque l’Union européenne se coupait du reste du monde le 17 mars, la France était à 7 730 cas et 175 décès.

Sur le continent, des mesures de confinement ou de couvre-feu assez restrictives ont été rapidement adoptées, avec une mobilisation très forte des pouvoirs publics.

Par ailleurs, la tergiversation sur l’hydroxychloroquine a été vite dépassée, avec l’adoption d’un protocole thérapeutique au Maroc, au Sénégal, à Madagascar, au Burkina Faso, au Cameroun ou encore en Afrique du Sud. L’appréciation du risque lié à cette molécule est clairement différente dans des pays où, pour traiter le paludisme, les populations prennent le double de la dose préconisée pour le Covid…

L’arrivée plus tardive de la pandémie en Afrique a-t-elle contribué à une meilleure préparation ? Les États-Unis et le Royaume-Uni ont été eux aussi atteints plus tardivement, sans qu’ils adoptent pour autant des réponses aussi vigoureuses que certains pays africains. Ces prises de décision précoces sur le continent sont plutôt le résultat de l’expérience des différentes épidémies et pandémies.

LE VÉRITABLE ENJEU AUJOURD’HUI EST DE PRÉPARER L’APRÈS-CRISE

En novembre 2014, la décision du Maroc d’annuler l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations de football pour éviter la propagation de l’épidémie Ebola avait été fortement critiquée. Avec le recul, c’était peut-être le premier « geste barrière » de l’histoire sanitaire récente du continent, empêchant probablement une propagation mondiale de ce virus.

Leçons essentielles

L’Afrique va subir les effets de cette pandémie – avec des pertes de points de PIB – mais le retour à la prospérité ne tardera pas. Le véritable enjeu aujourd’hui est de préparer l’après-crise. Et quatre leçons essentielles sont à retenir pour nos futurs modes opératoires.

Premièrement, notre monde moderne s’est rappelé qu’une épidémie localisée pouvait se transformer en pandémie mondiale. Une prise de conscience qui n’avait pas eu lieu quand l’Afrique faisait face à Ebola. Il est désormais possible d’espérer la création d’un dispositif structuré de réponse mondiale à toute épidémie future, qui n’abandonnera plus l’Afrique à son sort.

Deuxièmement, la forte dépendance à la Chine, comme marché et comme source d’approvisionnement, a montré ses limites. Elle a encouragé la recherche de sources alternatives et minimisé la logique de coût au profit d’une sécurité minimale de fonctionnement en cas de blocage de Pékin.

L’AFRIQUE A VITE COMPRIS L’IMPORTANCE DE MUTUALISER LES EFFORTS SUR DES SUJETS CRUCIAUX

Les pays qui sauront renforcer leur positionnement sur des pans des chaînes de valeur mondiales pourront proposer des alternatives crédibles aux donneurs d’ordre internationaux. Pour le Maroc, il s’agirait par exemple de renforcer le taux d’intégration des écosystèmes aéronautiques, automobiles ou électroniques. Quant à l’Éthiopie, elle devrait cibler davantage les industries du cuir ou du textile.

Troisièmement, la crise a été un bon révélateur de l’importance de l’autosuffisance alimentaire, du développement local des industries agroalimentaires et de la production comme de la consommation locales, qui s’annoncent comme des axes majeurs d’orientation de nos pays après la crise. Il en va de même pour la promotion du tourisme national post-confinement.

Enfin, dernière leçon essentielle : l’Afrique a vite compris l’importance de mutualiser les efforts sur des sujets cruciaux, qu’il s’agisse des concertations sur les approvisionnements en produits essentiels, du partage d’expertise sur les protocoles thérapeutiques ou de la mobilisation des experts (comme Strive Masiyiwa, Tidjane Thiam, Acha Leke, Mostafa Terrab, Vera Songwe, Kako Nubukpo ou Achille Mbembe) pour discuter des mécanismes de sauvegarde des économies du continent.

Il en va de même pour l’initiative lancée par le roi Mohammed VI et les présidents Macky Sall et Alassane Ouattara pour une réponse concertée face à la pandémie du Covid-19. Ces actions démontrent une prise de conscience autour du besoin d’unité. L’Afrique devrait en sortir plus solidaire, ce qui ne peut qu’être bénéfique d’ailleurs pour la mise en œuvre de la zone de libre-échange continentale africaine.

JEUNE AFRIQUE

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