A Paris, la Cimade, association de soutien aux migrants, a ouvert le bal en déployant devant l’entrée arrière de l’Assemblée nationale une banderole «Code de la honte» et des panneaux du code de la route détournés. Sur ceux en triangle (qui signalent un danger), on pouvait lire «Chute des droits» ou «Procédure asile», accolé au signe du rétrécissement d’une voie. Sur ceux en rond (qui signalent une obligation, comme une limitation de vitesse), «90 jours en rétention» ou «virage à droite». L’idée : figurer ce que deviendra le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) si le texte est adopté. «Hormis quelques mesures de protection positive, la philosophie générale de ce projet consacre un recul des droits. Le passage en Commission [des lois] n’a pas changé la donne, on a juste apporté quelques garanties procédurales», explique le secrétaire général de la Cimade, Jean-Claude Mas. «Mais le texte entrave l’accès aux droits et vient amplifier une politique migratoire attentatoire aux droits des personnes», juge-t-il.

«Code de la honte, la colère monte !»

Tandis qu’une trentaine de militants, la plupart aux cheveux blancs ou gris, s’époumonent derrière l’Assemblée «Non, non, non, au projet Macron ! Non, non, non, à la loi Collomb ! Code de la honte, colère qui monte !», un homme en costume, badge «Assemblée nationale» autour du cou, chuchote aux gendarmes : «Est-ce qu’elle est prévenue, la police ?» Il sera inutile de l’attendre, le bus qui a conduit militants et journalistes sur place arrive. De l’autre côté de la place, le socialiste Boris Vallaud termine son interview avec BFM TV et passe saluer les militants.

Direction ensuite la rue Sainte-Anne, dans le IIe arrondissement de Paris, où se trouve le siège de La République en marche – que Geneviève Jacques, la présidente de la Cimade, appelle, facétieuse, «Les Républicains en marche». Les militants pénètrent la cour bercée de soleil, déploient leur banderole et reprennent leur sonore litanie : «Code de la honte ! La colère monte !» Au deuxième étage de l’immeuble, un homme, très énervé et manifestement pas de LREM, passe la tête par la fenêtre : «Moi j’ai rien à voir, vous nous empêchez de bosser !» Les militants continuent leur scansion ; ils en seront quittes pour une tasse d’eau balancée du deuxième (l’eau, pas la tasse).

Acton de la Cimade devant le siège de La République en marche le 16 avril 2018 Paris le 16/04/18

Photo Laura Ben Hayoun pour Libération

Au-delà du fond du texte, l’association critique la méthode du gouvernement. «Notre initiative s’inscrit dans un ensemble d’actions d’interpellation du gouvernement. Nous avons participé à une réunion au ministère de l’Intérieur. Comme les autres associations, nous n’avons pas été entendus», explique Geneviève Jacques. Pour Jean-Claude Mas, avant Macron, «c’était déjà difficile d’être entendus. Dans le cadre de cette majorité, on a compris dès le départ que, lors des rencontres bilatérales ou collectives, la logique du gouvernement induisait une écoute passive. C’est-à-dire de commenter leur propre action, et d’écouter nos arguments pour savoir quoi nous opposer». Il conclut, amer : «En aucun cas, on a senti un parti pris de dire : « on va voir de quelle façon on peut améliorer le texte par rapport à ce que vous nous dites ».»

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Un responsable politique du parti finit par se pointer à la porte, gardée par un vigile : Geneviève Jacques et Jean-Claude Mas entrent, lui remettent «symboliquement» une copie du «code de la honte». En moins de cinq minutes, c’est plié. Les militants quittent les lieux, certains prévoient de rejoindre la manifestation associative contre le texte, à côté de l’Assemblée nationale. Dans une quarantaine de villes françaises, des actions similaires devaient avoir lieu au même moment, devant les permanences de députés LREM.

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