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Haut-Karabakh: «La seule solution est le retrait de l’armée arménienne»

Alors que les combats se poursuivent dans le Haut-Karabakh, l’ambassadeur d’Azerbaïdjan en France, S.E. Rahman Mustafayev, déclare que seul un retrait des troupes arméniennes de cette enclave séparatiste permettrait un cessez-le-feu. Entretien.

Les combats se poursuivent dans le Haut-Karabakh avec une forte intensité. Beaucoup craignent que le conflit n’embrase toute la région. Jeudi 1er octobre, les dirigeants des pays du groupe de Minsk (Russie, France, Etats-Unis) ont appelé les deux parties, l’Arménie et l’Azerbaïdjan, à un cessez-le-feu immédiat. Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a de nouveau appelé ce vendredi les deux pays à « une fin immédiate des hostilités ». Erevan a laissé entrevoir la possibilité de s’engager à un rétablissement du cessez-le-feu sous l’égide de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). De son côté, l’Azerbaïdjan demande au préalable un retrait inconditionnel des forces armées arméniennes du Haut-Karabakh. Ce vendredi soir, la France a proposé sa médiation.

RFI : Les affrontements depuis dimanche dans le Haut-Karabakh redoublent d’intensité. Quelle est la réponse de l’Azerbaïdjan à l’appel du groupe de Minsk à un cessez-le-feu immédiat ?

Rahman Mustafayev : C’est une guerre réelle. Depuis le mois de juillet, l’armée arménienne fait des provocations persistantes dans les lignes de la frontière officielle ainsi que dans la ligne de contact dans la région du Haut-Karabakh en Azerbaïdjan. Depuis juillet, la communauté internationale n’a pas réagi. Donc peut-être que l’Arménie s’est sentie tout permis.

Aujourd’hui, il y a des combats, il y a la guerre dans la région du Haut-Karabakh, et sept régions autour qui sont occupées depuis 1993. Il y a quatre résolutions du Conseil de sécurité (de l’ONU) qui ont été adoptées en 1993. La France, en tant que pays membre du Conseil de sécurité et pays membre de l’OSCE, a voté quatre fois en faveur de ces résolutions. Les articles de ces résolutions disent qu’en premier lieu il faut le retrait immédiat, complet et sans conditions de toutes les forces armées arméniennes qui occupent la région du Haut-Karabakh et sept régions autour du Haut-Karabakh.

Nous apprécions les appels et la bonne volonté des pays de la communauté internationale et bien sûr en premier lieu des co-présidents du groupe de Minsk, des trois pays Etats-Unis, Russie et France, pour contribuer à la résolution de ce conflit. Mais vous devez aussi comprendre la position de l’Azerbaïdjan. Cela fait déjà plus de 33 ans que ce conflit dure et nous ne voyons aucun résultat positif à ces pourparlers. 

C’est-à-dire que c’est un conflit gelé. Mais que demande l’Azerbaïdjan pour un cessez-le-feu immédiat ? 

Ce n’est pas un conflit gelé, en fait. Parce que chaque mois, chaque semaine, chaque jour, il y a des pertes parmi les civils azerbaïdjanais. Il y a des maisons et des villages détruits. Il y a même des enfants qui souffrent de cette guerre. Il y a des réfugiés et des déplacés azerbaïdjanais, plus de 700 000 Azerbaïdjanais qui ont été chassés des régions occupées.

Donc pour s’asseoir autour de la table des négociations, pour commencer à chercher des solutions, il faut d’abord appliquer les dispositions des résolutions du Conseil de sécurité. Première chose : le retrait immédiat, complet et sans condition des troupes armées qui occupent la région du Haut-Karabakh et sept régions voisines, autour du Haut-Karabakh.

Rahman Mustafayev, ambassadeur d’Azerbaïdjan en France
Rahman Mustafayev, ambassadeur d’Azerbaïdjan en France RFI / Véronique Gaymard

Le conflit est extrêmement violent. Jeudi en particulier avec des attaques aériennes, des roquettes qui ont fait beaucoup de dégâts. Des journalistes français d’ailleurs ont été blessés, dont un grièvement. Que pouvez-vous dire de l’intensité de ces combats ? Il s’agit désormais d’une guerre très moderne avec des pertes potentiellement plus importantes qu’il y a 30 ans ?

Je suis d’accord avec vous, c’est vraiment une guerre moderne aujourd’hui. Les deux parties au conflit, azerbaïdjanaise et arménienne, utilisent des armes lourdes : l’artillerie, les avions… Mais on peut arrêter cette guerre, on peut se baser sur les dispositions du droit international. C’est ce que nous demandons.

On parle aussi de déploiement de mercenaires, des supplétifs du Nord syrien qui seraient acheminés via la Turquie vers l’Azerbaïdjan. Moscou se dit très préoccupé, la France dit avoir des preuves de ces déplacements. Que répond l’Azerbaïdjan ?

D’abord nous rejetons fermement toutes ces allégations et ces accusations contre l’Azerbaïdjan. N’oubliez pas que c’est une guerre, et chaque guerre a ses lois et ses règles. Il y a des combats militaires dans les champs de bataille, mais il y a aussi la guerre informatique, dans les médias, donc idéologique et psychologique. Je pense que l’Arménie sait avoir perdu des territoires et villages. L’Arménie subit des pertes très lourdes, il s’agit de centaines, de milliers de soldats qui ont été tués dans les combats. L’Arménie essaye aujourd’hui de nous critiquer, d’utiliser ses ressources idéologiques, informatiques… Nous proposons à la France, aux services de renseignements français, de se réunir avec nous, de recouper les informations avec l’Azerbaïdjan pour trouver les signes de ces mercenaires. Donc notre proposition est ouverte.

L’Azerbaïdjan bénéficie aussi du soutien turc, le président Recep Tayyip Erdogan a ouvertement soutenu l’Azerbaïdjan. Est-ce qu’une résolution du conflit est possible, sans la Turquie et la Russie ? 

Le président turc Erdogan ne fait rien qui dépasse les limites du droit international. Il s’est exprimé en faveur de l’Azerbaïdjan, c’est un soutien moral important pour nous. Nous avons avec la Turquie un traité de partenariat stratégique depuis 2010. L’article 2 dit que si l’Azerbaïdjan devient l’objet d’une agression extérieure, la Turquie viendra nous soutenir. Jusqu’à maintenant, nous n’avons pas eu besoin de ce soutien, parce que l’armée de l’Azerbaïdjan est capable et efficace.

Et est-ce que l’Azerbaïdjan bénéficie d’un soutien militaire de la Turquie ?Actuellement, nous avons un partenariat dans le secteur militaire avec la Russie, avec la Biélorussie, avec des pays comme Israël, et bien sûr avec la Turquie, nous ne le cachons pas. Mais tout cela se déroule dans le cadre du droit international.

Mais dans l’immédiat, est-ce qu’un cessez-le-feu est possible avant de pouvoir envisager éventuellement une résolution du conflit ? 

Il n’y a pas de pays plus intéressé à faire la paix que l’Azerbaïdjan. Notre logique, c’est la coexistence pacifique. L’Azerbaïdjan est un pays laïc, tolérant, où vivent plusieurs minorités religieuses, ethniques. La seule chose que nous proposons, c’est l’application des dispositions du droit international. Et j’appelle les dirigeants français aujourd’hui : vous pouvez arrêter cette guerre. Vous avez déjà voté quatre résolutions (au Conseil de sécurité), vous devez donc pousser les dirigeants arméniens pour leur faire comprendre que la seule solution pour arrêter cette guerre, c’est vraiment de respecter le droit international. Il n’y a pas d’autre solution.

Nos confrères journalistes du journal Le Monde ont été blessés ce jeudi. Ils se trouvaient à Martuni (au sud-est du Haut Karabakh), où ils réalisaient un reportage sur les dégâts causés dans cette ville. Et tout à coup, une salve extrêmement violente s’est abattue à l’endroit où ils se trouvaient. De quelles informations disposez-vous ?

J’ai écouté et j’ai lu les informations sur ces faits avec beaucoup de regrets parce que, pour nous, la vie des journalistes est très importante. D’abord, nous n’avons eu aucune information sur les déplacements de ces journalistes. Il faut respecter les règles et la procédure. Donc si vous partez dans la région de guerre, où il y a des combats, vous devez comprendre que le régime séparatiste ne peut pas garantir la sécurité des journalistes. Il faut appeler officiellement les autorités azerbaïdjanaises qui organiseront le déplacement. C’est de cette façon que nous pourrons assurer la sécurité et la vie des journalistes.

RFI

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