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Gestion des frontières : ce que les Etats membres de l’UE ont mis en place

Pour bien comprendre comment chacun des 27 Etats membres réagit face à la pandémie de Covid-19 qui frappe actuellement le continent, Toute l’Europe dresse la liste des mesures mises en place par les gouvernements.

Chaque jour, les chiffres le prouvent un peu plus. La pandémie de Covid-19 frappe durement l’Europe, qui déplore plus de 160 000 morts du virus (chiffres de l’université Johns Hopkinsarrêtés au 26 mai). Une réalité qui pousse les 27 pays de l’Union européenne à prendre des mesures d’urgence pour lutter contre la maladie depuis de longues semaines maintenant.

Pour bien comprendre les stratégies de chacun et la situation que traverse l’ensemble des Etats membres, Toute l’Europe dresse le bilan des mesures mises en place pays par pays selon trois critères : la gestion des frontières, les mesures sanitaires d’urgence sur le plan intérieur et les mesures économiques de soutien aux entreprises (bilan des mesures au 26 mai).

Ce qu’il faut retenir de la situation en Europe

L’Europe compte 160 000 morts au 26 mai.
Les frontières extérieures de l’espace Schengen sont fermées depuis le 17 marset le resteront jusqu’au 15 juin au moins.
Une large majorité d’Etats membres a instauré des contrôles à ses frontières nationales, bien que certains d’entre eux ont annoncé un assouplissement de ces mesures.
Les 27 pays ont mis en place des mesures de distanciation sociale (concrétisées dans la majorité des cas par un plan de confinement) et de fermeture des commerces non-essentiels.
Depuis le 9 avril, les premières mesures de déconfinement progressif ont été appliquées dans des proportions et à des rythmes différents selon les pays.
Les 27 ont instauré des mesures économiques d’urgence d’une ampleur exceptionnelle pour endiguer la crise causée par la paralysie des économies nationales, qui devrait se concrétiser par une chute allant de 7,1% à 7,4% du PIB de l’Union européenne en 2020 selon les estimations.
La gestion des frontières

C’est l’une des problématiques majeures auxquelles sont confrontés les Etats membres de l’UE. Face à un virus qui circule très rapidement, les échanges dans une économie mondialisée et la libre circulation dans l’espace Schengen peuvent favoriser la propagation de la maladie. Outre le fait que les pays de l’espace ont décidé de fermer leurs frontières extérieures jusqu’au 15 juin, sur le plan intérieur, plusieurs gouvernements européens ont donc pris la décision d’instaurer un contrôle plus étroit, voire de fermer leurs propres frontières pour tenter de limiter les risques.

Pour les pays membres de l’espace Schengen (22 des 27 pays de l’Union), des dispositions prévues entre les articles 23 et 28 du code frontières Schengen prévoient que les Etats peuvent réinstaurer le contrôle à leurs frontières « en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure pour des périodes renouvelables de 30 jours pour une durée maximale de 24 mois. »

Voici ce que les pays européens ont décidé de faire.

  • Contrôles stricts des frontières s’apparentant à des fermetures : République tchèque (assouplissement des mesures au 11 mai et rétablissement de certaines connexions routières et ferroviaires avec l’Allemagne puis l’Autriche dans les jours à venir), Hongrie (réouverture de la frontière avec la Serbie), Croatie, Danemark, Chypre, Slovaquie (sauf aux ressortissants polonais), Lituanie, Estonie (frontière terrestre avec la Lettonie, frontières maritimes et espace aérien, avant que les pays baltes n’établissent un espace de libre circulation entre eux le 15 mai), Espagne (avec une mesure de quatorzaine imposée aux étrangers jusqu’au 7 juin au moins, accueil des touristes étrangers prévu au 1er juillet) Portugal (uniquement pour les touristes), Finlande, Grèce (frontières fermées et quatorzaine pour tout citoyen non européen, perspective d’ouverture des frontières aux touristes au 1er juillet), Belgique (volonté de favoriser les déplacements vers les Pays-Bas et le Luxembourg qui pourrait se concrétiser dans les jours à venir), Pologne (pour les étrangers, levée des restrictions envisagée au 15 juin), Lettonie (frontières fermées à tous les étrangers sauf ceux bénéficiant d’un titre de résidence mais rétablissement d’un espace de libre circulation balte au 15 mai).
  • Fermeture partielle des frontières ou contrôles stricts aux frontières : Slovénie (fermeture de sa frontière avec l’Italie), Autriche (fermeture de ses frontières avec l’Italie, perspective de réouverture de ses frontières avec la Suisse, la République tchèque, l’Allemagne, et le Liechtenstein au 15 juin, quatorzaine imposée aux arrivants sur le territoire), Allemagne (mais perspective de réouverture de ses frontières avec la France, la Suisse, le Luxembourg et le Danemark au 15 juin), France (fermeture jusqu’à nouvel ordre des frontières avec les pays non-européens et contrôles stricts à ses frontières jusqu’au 15 juin au moins), Luxembourg (et incitation au télétravail pour les salariés transfrontaliers, très nombreux dans le Grand-Duché), Malte (ressortissants français, italiens, allemands, espagnols interdits de séjour), Bulgarie (ouverture de ses frontières aux ressortissants de l’espace Schengen et aux Serbes, fermeture de sa frontière avec la Turquie), Pays-Bas (fermeture des frontières avec tous les pays non-européens), Roumanie (frontières fermées aux étrangers hors membres d’une famille comprenant un Roumain), Italie (voyages non-essentiels interdits et quatorzaine imposée aux autres voyageurs, mesures qui prendront fin pour les ressortissants de Schengen le 3 juin prochain)
  • Ouverture des frontières : République d’Irlande (maintien de l’ouverture de sa frontière avec l’Irlande du Nord)
  • Les mesures sanitaires d’urgence

    Deuxième volet des politiques mises en place par les gouvernements européens, les mesures sanitaires d’urgence visent elles aussi à endiguer la pandémie en instaurant une distanciation sociale maximale. Le but : empêcher la propagation de la maladie. Cela se concrétise généralement par la fermeture des établissements scolaires, des commerces non-essentiels (hors alimentation et santé) et par des mesures de confinement des citoyens à domicile, appliquées plus ou moins strictement selon les cas. Depuis le 9 avril, certains gouvernements ont néanmoins commencé à autoriser la réouverture progressive de certains commerces et de certaines institutions publiques.

    • Fermeture des établissement scolaires, des commerces non essentiels (bars, restaurants, cafés, boîtes de nuit, spas, hôtels…) : les 27 Etats membres ont tous pris des mesures allant dans ce sens.

      Depuis le mois d’avril, certains ont toutefois mis en oeuvre une réouverture progressive. La République tchèque a été le premier pays à avoir pris des décisions allant en ce sens en rouvrant les magasins de construction, de cycles, d’informatique et de réparation le 9 avril. Elle a poursuivi en ce sens en autorisant progressivement la reprise d’activité de artisans, des concessionnaires automobiles, des garagistes, des marchés, des commerces allant jusqu’à 2 500 m2, des universités, des salles de sport, des zoos, des centres commerciaux, des coiffeurs, des cinémas, des musées, des théâtres, des bars et des restaurants du pays. Les écoles primaires vont également rouvrir. Le 14 avril, l’Autriche a autorisé des milliers de petits commerces à reprendre leur activité, tout en appelant au respect des règles de distanciation sociale. Le 15 avril, c’est au tour du Danemark de rouvrir ses écoles maternelles et primaires, ses crèches, mais aussi toute une batterie de commerces non-essentiels (coiffeurs, tatoueurs, auto-écoles et laboratoires d’analyses notamment).

      La Pologne a rouvert ses commerces non-essentiels le 19 avril. Prévue le 26 avril, l’ouverture des écoles a été reportée à la rentrée de septembre. L’élection présidentielle reportée devrait se tenir le 28 juin prochain. Le 20 avril, le Luxembourg a rouvert ses magasins de construction et d’informatique. L’Allemagne en a fait de même pour ses commerces d’alimentation, librairies, concessionnaires automobiles, magasins de vêtements et autres fleuristes dont la surface est inférieure à 800 mètres carrés. Fédéralisme oblige, la mesure est appliquée de façon sensiblement différente dans les seize Länder du pays. Le Portugal a lancé son plan de déconfinement le 30 avril. L’Italie a quant à elle enclenché son plan de déconfinement le 4 mai, date à laquelle 4,4 millions de salariés ont repris le travail. Enfin, le même jour, les usines Dacia et Ford situées en Roumanie ont repris leur activité. Le 15 mai, le pays a ensuite entamé son déconfinement généralisé en autorisant ses citoyens à se déplacer à l’intérieur de leur commune de résidence et en rouvrant certains commerces, services et lieux de culte (dentistes et églises notamment). La Grèce a quant à elle autorisé les petits commerçants, les établissements scolaires, les bars, les restaurants et les ferries à reprendre leur activité. La Slovaquie a décrété que les commerces, coiffeurs, sites de tourisme, boîtes de nuit et terrasses de restaurant pourraient rouvrir le 6 mai et a autorisé la reprise des théâtres, des cinémas et des rassemblements jusqu’à 100 personnes la semaine du 18 mai. Le 11 mai, l’Espagne a mis en oeuvre un plan de « retour à la normale » territorialisé et divisé en quatre phases. Dans une moitié du pays (de la Galice au Pays Basque) les commerces ont rouvert, tandis que dans l’autre, qui comprend Madrid et Barcelone, les mesures de confinement ont été levées le 25 mai. Certaines régions très peu touchées par l’épidémie comme les Baléares ou les Canaries ont quant à elles pu relancer partiellement leur économie dès le 4 mai.

      • Stratégie dite de l’immunité collective : la Suède a privilégié cette stratégie qui voudrait qu’une fois plus de 60% de la population confrontée au virus, les citoyens produiraient alors leurs propres défenses immunitaires qui les rendraient moins vulnérables face au virus et permettraient ainsi d’éviter un engorgement des services hospitaliers. Cela ne signifie pas que le gouvernement n’a pas pris de mesures pour autant, la Suède ayant interdit les rassemblements de plus de 50 personnes. Le pays affiche néanmoins un taux de mortalité provoquée par le coronavirus supérieur à ses voisins. 2 300 médecins ont écrit une tribune implorant le gouvernement de prendre des mesures plus strictes et l’opinion publique s’émeut de voir certains bars ne pas respecter la limite imposée par le gouvernement de 50 clients maximum. Un temps partisans de l’immunité collective, les Pays-Bas ont infléchi leur politique en prônant le « confinement intelligent » et en décrétant la fermeture des commerces non-essentiels et des établissements scolaires. Les bars, restaurants et théâtres pourront néamoins rouvrir au 1er juin (avec une capacité d’accueil maximale limitée à 30 personnes).

        Cette option de l’immunité collective a également été défendue au Royaume-Uni par le Premier ministre britannique Boris Johnson. Il est revenu dessus puisqu’il a décrété le confinement avec  fermeture des établissements scolaires, des pubs, des restaurants et des théâtres avant d’être lui-même contaminé par le virus et hospitalisé entre le 5 et le 12 avril. Il est aujourd’hui hors de danger. La Reine Elizabeth II a quant à elle prononcé un discours incitant les Britanniques à la résilience collective et en portant un message d’espoir. Un événement très rare puisqu’il s’agit seulement de sa cinquième allocution télévisée en 68 ans de règne. Le pays est aujourd’hui le plus touché en Europe, avec 39 696 morts (chiffres de l’université Johns Hopkins arrêtés au 26 mai).

      • A noter également que les opérateurs mobiles de plusieurs pays européens comme l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie ou l’Espagne ont accepté de communiquer les données de géolocalisation anonymisées de leurs abonnés pour permettre aux gouvernements d’observer dans quelle mesure les populations respectent le confinement qui leur est imposé. Une mesure aussi mise en place partiellement en France, où Orange a communiqué ces informations à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), permettant par exemple d’établir que 17% des Parisiens avaient quitté la capitale au 29 mars. Un projet de loi sur une application de traçage numérique devrait être discutée à l’Assemblée.
      • Les mesures de soutien économique aux ménages et aux entreprises

        La pandémie affecte la santé des citoyens, mais aussi celle des entreprises, dont les activités sont largement ralenties. Pour atténuer les effets de la crise économique, les Etats membres ont donc pris des mesures de relance exceptionnelles. Outre les mesures financièresadoptées directement par l’Union européenne, cette dernière a également pris des mesures pour faciliter l’action des Etats membres sur le plan économique. Le 18 mars, la Commission européenne a proposé de laisser une latitude « maximale » aux Etats de la zone euro concernant leur déficit, normalement limité à 3% du PIB (la mesure a été adoptée la semaine suivante par les ministres européens).

        Chronologie de la pandémie en Europe

        Le 20 mars, la Commission a dévoilé un « cadre temporaire » autorisant les Etats de l’Union européenne à « utiliser toute la flexibilité prévue par les règles en matière d’aides d’État« . Ceux-ci l’ont exploitée dans des proportions inégalées. La Fondation Robert Schuman estime que le montant total des mesures économiques prises par les Etats membres s’élève à 2 450 milliards d’euros, soit un peu plus de 15% du PIB européen. Voici les dispositifs privilégiés par les exécutifs des 27 qui se sont déjà mobilisés en la matière et, pour ceux qui les ont déjà annoncés, la valeur des aides engagées :

        • Garantie d’Etat sur les prêts et prêts publics aux entreprises chiffrés: Allemagne (1 100 milliards d’euros et enveloppe illimitée de crédits garantis par l’Etat, soit le plus grand programme de relance économique du pays depuis l’après-guerre), France (345 milliards dont 110 milliards d’euros directement investis sur le budget 2020 et enveloppe illimitée de crédits garantis par l’Etat), Italie (80 milliards d’euros directement investis et 400 milliards d’euros de prêts garantis à 90% par l’Etat via l’agence publique SACE), Espagne (17 milliards d’euros d’investissements directs et 100 milliards d’euros de prêts garantis par l’Etat), Pologne (66 milliards d’euros d’investissement – dont une partie financée par la Commission européenne – et rachats « illimités » des titres de dettes de l’Etat par la banque centrale), Danemark (38 milliards d’euros), Pays-Bas (entre 10 et 20 milliards d’euros d’investissements directs, étalés sur les mois de mars, avril et mai 2020), Suède (28 milliards d’euros), Finlande (15 milliards), Lituanie (5 milliards d’euros d’investissements directs, soit 10% du PIB national), Estonie (2 milliards d’euros), Lettonie (4 milliards d’euros), Grèce (10 milliards d’euros d’investissements directs, dont une partie financée par la Commission), Autriche (38 milliards d’euros de fonds de crise), Belgique (de 8 à 10 milliards d’euros au niveau fédéral plus de nombreuses mesures régionales) Croatie (3,9 milliards d’euros), Bulgarie (10 milliards d’euros), Chypre (700 millions d’euros et recours au Mécanisme européen de stabilité, Chypre est le premier pays à en faire usage dans le cadre de la pandémie), Irlande (3,2 milliards d’euros), Luxembourg (11,8 milliards d’euros avec notamment le relèvement du plafond de l’aide d’Etat pour une entreprises en difficulté de 200 000 à 500 000 euros), Malte (1,8 milliards d’euros), Portugal (22,2 milliards d’euros), République tchèque (36 milliards d’euros et système de prêts à taux zéro), Roumanie (15 milliards d’euros dont une taxe annuelle sur les entreprises repoussée d’un mois et suspension des autres charges), Slovénie (2 milliards d’euros et paiements des crédits des entreprises repoussés),
        • Aides d’Etat non chiffrées : Hongrie (moratoire sur la dette et les intérêts des entreprises et des ménages jusqu’à fin 2020), Slovaquie.
        • Sources utilisées : sites des ambassades américaines et françaises dans les Etats membres, sites des gouvernement français, suédois, danois, hongrois, croate, luxembourgeois et chypriote, site de la Commission européenne et du Conseil européen, tableaux récapitulatifs de la Fondation Robert Schuman, live dédié du site Politico.

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