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Cette plainte de la société civile qui balaie la toile

C’est une action que beaucoup ne prenaient pas au sérieux. Mais la plainte déposée près des tribunaux le cette plateforme de la société civile a le don d’endiguer les discours haineux sur la toile. Il est donc bien possible de venir à bout de la frénésie chez certains guinéens, et l’Etat se doit d’en tirer quelques leçons.

La plus grande découverte du dernier quart de siècle pour les guinéens reste certainement la liberté de parole. L’ère démocratique nous a révélé que parler avec les mots, les signes, les dessins ou encore l’image est à la fois une thérapie et une arme. Pour un peuple muselé pendant très longtemps, pouvoir parler, c’est tout simplement la liberté. Du moins, les militaires au pouvoir après Sékou Touré nous en ont donné l’illusion !

Et comme partout où il n’y pas de règles, on s’enfonce rapidement dans l’excès et la folie. C’est bien ce que nous vivons depuis quelques années dans notre pays. Désormais, l’anarchie de la parole se dispute à la tyrannie des mots dans un pays où l’on n’invente rien, où l’on ne crée ni ne développe aucun concept propre à notre identité. Ici, chacun dit et écrit ce qu’il veut ; parfois même ce qui devrait lui faire honte et provoquer la réprobation générale sans que personne n’exige de comptes.

Ces derniers temps, la parole publique transpire la rancœur et la violence, surtout chez nos élites. La conséquence la plus visible de cette acrimonie généralisée est la défiance inter-ethnique quasi systématique dans notre pays aujourd’hui. La haine, l’invective, l’animosité et la malveillance sont devenus les maitres mots de notre arène politique.

Fort malheureusement, ces travers gagnent la couche juvénile guinéenne à une allure affolante. On constate avec inquiétude comment les inconduites de notre classe politique ont trouvé écho dans les prises de positions sur la toile, surtout les réseaux sociaux. Notre pays n’est pas loin de l’implosion, s’y l’on y prend garde. Et c’est là qu’il faut saluer le dépôt de plaintes contre certains jeunes activistes politiques, dont les publications d’une rare virulence ont inquiété plus d’un citoyen conscient.

L’annonce de ces poursuites a eu don, comme par enchantement, de ramener le calme après les houles haineuses post-électorales sur Facebook en particulier. Cela illustre parfaitement combien l’absence de règles, et surtout de coercition encourage le sentiment d’impunité et le crime dans une société. Le Balai citoyen aura réussi, du moins pour un temps, à calmer les délires ethnocentriques chez les extrémistes qui passent leur temps à exiger de la Nation ce qu’ils ne sont pas fichus d’offrir à leurs propres personnes. Certains ont déjà répondu à une convocation, d’autres attendent de passer devant les enquêteurs. Mais l’Etat doit se montrer ferme et traiter cette situation avec rigueur et impartialité. Puisqu’on le sait, l’impunité n’est complète que si la justice condamne un faux coupable. L’exemple doit être donné aux guinéens, par un traitement sans interférences dans ce dossier.

La lutte contre la haine et l’ethnocentrisme ne pourra porter de fruits si on se limite à poursuivre des lampistes. La société civile a donné le ton. Il revient aux procureurs d’oser aller au-delà en demandant des comptes à des ministres, députés et personnalités politiques de notre pays, qui opposent les communautés les unes aux autres, ressuscitent les haines et peurs anciennes, et entretiennent l’anarchie dans notre pays. C’est le moins qu’ils puissent faire pour protéger la Guinée de certains guinéens.

L’Etat est le lien qui nous tient ensemble, et en tant que tel il a le devoir d’être le rempart contre l’impunité, la dissolution et le chaos. Comme le disait si éloquemment l’Abbé Pierre « la liberté prise comme absolue peut conduire soit à l’anarchie la plus complète, soit à la loi du plus fort, c’est-à-dire la barbarie. »
Mohamed Mara sur Radio Espace

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