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Loi «sécurité globale»: l’Assemblée vote l’article controversé sur les images de policiers

Dans un climat tendu, l’Assemblée nationale a voté vendredi soir la mesure la plus controversée de la proposition de loi « sécurité globale » pénalisant la diffusion malveillante de l’image des forces de l’ordre, avec des garanties du gouvernement sur le « droit d’informer ».

« L’équilibre est réaffirmé entre la liberté d’informer et la protection des forces de l’ordre », a estimé le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, lors d’un débat houleux. « Si la liberté de la presse peut être attaquée, les policiers et les gendarmes peuvent l’être égalemen », a souligné le ministre, après avoir soufflé le chaud et le froid sur cette disposition, suggérant parfois de la durcir.

Face à la fronde des défenseurs des libertés publiques et des sociétés de journalistes, le gouvernement a précisé l’article litigieux qui pénalise d’un an de prison et 45 000 euros d’amende la diffusion de « l’image du visage ou tout autre élément d’identification » des forces de l’ordre en intervention quand elle porte « atteinte » à leur « intégrité physique ou psychique ».

L’amendement gouvernemental réécrivant cet article 24, adopté par 146 voix contre 24, spécifie que la mesure ne peut porter « préjudice au droit d’informer », et que l’intention malveillante contre les forces de l’ordre doit être « manifeste ».

Colère à gauche, malaise au centre

Mais il n’a pas suffi à désamorcer les protestations dans l’hémicycle, de l’opposition de gauche à certains élus du MoDem, pourtant membres de la majorité. L’insoumis Ugo Bernalicis a ainsi fustigé « une entreprise de dissuasion massive d’aller manifester et filmer ce qu’il se passe en manifestation ».

Au MoDem, Nicolas Turquois, qui s’est abstenu, s’est dit « mal à l’aise » devant cet article 24 et les difficultés « d’interprétation » de l’atteinte à « l’intégrité psychique ». Comme la gauche, des élus du groupe centriste avaient d’ailleurs proposé de supprimer l’article. Deux MoDem ont voté contre l’amendement et trois se sont abstenus. Cinq députés LREM ont choisi l’abstention, le reste de la majorité votant pour.

J’ai du mal à me dire aujourd’hui que cette disposition de ‘larticle 24 est indispensable…

Loi sur la «sécurité globale»: malaise dans la majorité malgré le vote

A droite, LR soutient l’article mais le député Eric Diard s’inquiète de sa « constitutionnalité ». Son collègue Pierre-Henri Dumont a regretté que cette mesure se base sur la loi sur la presse de 1881 et non sur des dispositions déjà existantes du Code pénal. Au RN, Marine Le Pen a salué une disposition qui va « dans le bon sens » et ne mérite « ni excès d’opprobre » et « ni excès d’honneur ».

Après le vote, les syndicats de policiers comme Alliance et Unité-SGP-FO ont salué une « victoire importante », malgré « l’acharnement de nos détracteurs ». Pour l’Intérieur, la mesure permet de « protéger ceux qui nous protègent », confrontés à une violence qui déborde des réseaux sociaux.

Atteinte à la liberté d’expression et d’informer

Journalistes, défenseurs des libertés publiques et pourfendeurs des violences policières dénoncent « une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression ». La Défenseure des droits Claire Hédon a réclamé vendredi « le retrait » de l’article controversé. Un rassemblement est prévu samedi après-midi, place du Trocadéro à Paris.

Plusieurs dirigeants de médias, des ONG, des syndicats et des sociétés de journalistes ont exprimé leur préoccupation concernant l’article 24. Mais pas seulement. Nombreux sont ceux aussi à dénoncer le contrôle et la surveillance accrue de la population que permettra cette nouvelle loi. Ils estiment qu’en voulant mieux protéger les policiers et gendarmes sur le terrain, certains articles de cette proposition de loi ouvrent des portes qui étaient jusqu’ici fermées en matière de répression.

En cause notamment, les nouveaux outils de surveillance qui pourraient être mis à disposition des forces de l’ordre y compris des policiers municipaux. Un arsenal dont l’utilisation était jusque là très réglementée et qui pourrait se voir étendu à l’ensemble des effectifs : c’est le cas par exemple des drones, pour surveiller une manifestation, des quartiers sensibles, des espaces publics ou privés et ce, sans que les forces de l’ordre n’aient à se rendre à proximité immédiate.

Le texte ouvre aussi la voie, à terme, à la reconnaissance faciale qui pourrait permettre, en direct, grâce aux images filmées par les drones et la vidéosurveillance, d’identifier et d’arrêter certains individus. Enfin, nombre de journalistes considèrent que cette loi est une grave atteinte à la liberté informer et s’inquiètent notamment de la couverture des manifestations : ils estiment que l’article 24 de cette loi est un outil qui va permettre aux forces de l’ordre de cacher leurs dérapages.

RFI

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