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Interview exclusive avec Dr Mouctar Diallo: « NFD souhaite que cette transition soit la dernière en Guinée et pour cela, il faut un travail de fond »

À l’extérieur du pays depuis son départ du dernier gouvernement d’Alpha Condé, l’ancien ministre de la Jeunesse a décroché son doctorat à Dakar (Sénégal) avant de continuer son aventure aux États-Unis d’Amérique. Mais, le président du Parti NFD (Nouvelles Forces Démocratiques) n’a d’yeux et d’oreilles que pour la Guinée.

En contact avec les responsables et militants de son parti, les NFD, Dr Mouctar Diallo a accepté de répondre à quelques questions de nos confrères de Guineematin.com pour sa toute première sortie médiatique depuis sa démission, son départ de la Guinée, le coup d’État du 5 septembre 2021…

Sur les lignes qui suivent, le patron des NFD livre sa lecture de la situation politique de la Guinée : la durée de la Transition, la CRIEF, les risques de sanctions du CNRD par la CEDEAO, son divorce avec  le président Alpha Condé et sa démission du Gouvernement, son différend avec le FNDC… Dr Mouctar Diallo dit tout et Guineematin.com vous le propose dans cette grande interview.

Exclusif !

Avant de venir à l’actualité de la Guinée, dites-nous d’abord, pourquoi depuis votre départ du gouvernement vous êtes resté silencieux ?

Après ma démission du gouvernement, en janvier 2021, j’avais décidé de prendre provisoirement de recul et de me concentrer sur d’autres chantiers. C’est ainsi que j’ai terminé mes travaux de thèse en science politique que je faisais depuis cinq (5) ans, à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.

Actuellement, je suis aux États – Unis dans le cadre d’un programme et je compte rentrer bientôt pour continuer le combat pour une Guinée meilleure.

Qu’est ce qui explique votre démission, alors que vous aviez participé activement au 3emandat du Président Alpha Condé ?

Oui, comme vous le dites, nous avons participé activement à l’élection présidentielle de 2020 que certains appellent 3e mandat, et d’autres le premier mandat de la 4e République. Nous assumons cette participation qui est légale et politiquement légitime car organisée sur la base de la Constitution adoptée par référendum suite à une décision de la Cour constitutionnelle. Des partis de tous les bords avaient participé à cette élection y compris le principal parti de l’opposition qui est l’UFDG.

Mais, ce 3e mandat considéré par certains comme un mandat de trop a occasionné des crimes ?

La participation à un référendum et à des élections est légale et démocratique. C’est un exercice qui consiste à consulter le peuple souverain sur des sujets d’enjeu national, conformément aux lois de la République. C’est plutôt ceux qui se sont opposés à cette consultation du peuple et qui ont affirmé haut et fort qu’ils vont utiliser tous les moyens pour empêcher cette démarche démocratique qui se sont écartés de la loi et sont sortis du cadre démocratique. Ce sont les personnes qui se sont rendues coupables de violence qui doivent répondre devant la justice et devant Dieu.

Pour nous, l’organisation ou la participation au double scrutin référendaire et législatif et à l’élection présidentielle conformément à la loi, n’est pas synonyme de violence ou de crime. En 2001, il y avait eu un référendum constitutionnel instaurant le « Koudéisme » c’est-à-dire le pouvoir à vie du Chef de l’État, il n’y avait pas eu cette violence.

Le parti Nouvelles Forces Démocratiques (NFD) souhaite vivement qu’il y ait un procès autour de ces violences pour que justice soit rendue aux victimes et pour que plus jamais ça en Guinée.

Justement, le FNDC a dressé une liste de 92 anciens dignitaires sur laquelle figure votre nom, vous accusant d’être impliqué dans ces crimes de sang, qu’en dites-vous ?

C’est totalement absurde et irresponsable de la part de quelques responsables de cette structure appelée FNDC, de vouloir entamer la réputation, l’honneur et la dignité de Cadres pour avoir été au service de l’État et pour avoir fait un choix politique légal et légitime.

Je n’ai jamais participé ni de près, ni de loin et de quelque manière que ce soit à une violence à plus forte raison un crime. C’est pour cela que quand nous avons vu cette odieuse et fantaisiste liste sur laquelle figure mon nom, nous avons fait une déclaration défiant le FNDC de publier leurs prétendues preuves contre moi. Et, je vais porter plainte contre les principaux responsables du FNDC pour diffamation. Déjà, mes avocats sont en train de préparer la plainte qui sera déposée dans les prochains jours.

J’accepte l’ingratitude, les trahisons, les risques et les sacrifices inhérents à la vie publique ; mais, je n’accepterai pas que ma réputation, mon honneur, ma dignité et ceux de mes proches soient souillés, injustement.

Le Parti NFD a toujours œuvré pour la non-violence, la paix, et l’unité nationale. Même quand nos militants ont été attaqués et blessés, nos sièges et biens saccagés, j’ai demandé à mes partisans de ne pas répliquer et nous avons pardonné. Même quand certains de nos agresseurs ont été arrêtés, j’ai demandé leur libération. Nous avons toujours été contre la violence sous toutes ses formes. Et les preuves existent.

Revenez sur les raisons de votre démission.     

Oui, après ma reconduction comme ministre de la jeunesse et de l’emploi jeune, où nous avons fait nos preuves, le lendemain, j’ai déposé ma lettre de démission au Président de la République. J’ai démissionné pour deux raisons : premièrement, je ne voulais plus être un « ministre périphérique » et jouer de seconds rôles. Je voulais, proportionnellement à ma loyauté, mon engagement, aux efforts fournis, aux risques pris, aux coups subis, à mon parcours, à mon poids politique et à mes compétences, occuper une position importante dans le gouvernement afin de produire de grands résultats sectoriels et de façon globale, contribuer efficacement à l’amélioration de la gouvernance, conformément au pacte de rupture et de bonne gouvernance qu’on avait signé avec le RPG, qui était la base de notre implication à l’élection présidentielle de 2020. Et, deuxièmement, je voyais des signes qui ne me rassuraient plus.

Certains ont estimé que vous avez démissionné parce que vous n’avez pas eu un poste « juteux ».

Si c’était une question d’intérêt personnel ou de « poste juteux » comme vous le dites, je n’allais pas attendre 2018 pour entrer dans le gouvernement du Président Alpha Condé ; car, j’en avais l’opportunité depuis 2012.

En plus, soyons logique, si j’étais animé par l’intérêt personnel, je n’allais pas démissionner, j’allais rester au gouvernement et chercher l’argent. Et, quand je suis parti, il y a eu des personnes de bonne volonté qui ont pris des initiatives pour mon retour aux affaires. Mais, je leur avais dit que j’avais tourné la page et dorénavant aucun poste ne m’intéressait. Vous-même M. Nouhou Baldé, vous en savez quelque chose. Pour moi, être au gouvernement, c’est si je peux impacter véritablement, ce n’est pas pour la forme ou pour jouir de ses avantages.

Et ceux qui disent que c’est parce que vous avez eu beaucoup d’argent, c’est pour cela que vous avez démissionné « pour le bouffer tranquillement ».

C’est totalement faux et ridicule ! Ce sont des adversaires qui cherchent à me nuire qui distillent ces genres d’intoxications. D’abord, je n’ai pas d’argent, ceux qui me connaissent le savent. Ensuite, je répète que l’argent n’est pas la boussole de mon action politique. J’ai renoncé à beaucoup d’opportunités et d’avantages pour mes convictions. En 2006, j’avais démissionné d’une ONG internationale pour me concentrer exclusivement au combat pour le changement et la démocratie, en tant qu’acteur de la société civile. Après les douloureux évènements du 28 Septembre 2009, j’avais eu la possibilité de travailler à l’international grâce à un Chef d’État africain qui m’appréciait beaucoup et qui s’inquiétait pour ma sécurité en Guinée. Mais, j’avais décliné respectueusement sa proposition en lui disant que ma priorité, c’est la Guinée et que j’étais prêt à prendre tous les risques dans le combat pour mon pays.

Écoutez, je n’aime pas parler de moi ; mais, vous m’en obligez. De 1990 à nos jours, j’ai été de toutes les grandes batailles pour la démocratie et le progrès en Guinée. Par la grâce de Dieu, j’ai échappé plusieurs fois au pire. J’ai commencé ce combat démocratique depuis que j’étais collégien de 15 ans, en 1990. Demandez à Monsieur Papa Attigou Bah, qui était à l’époque le leader du Mouvement Étudiant. Nous avions affronté un régime militaire puissant et répressif pour l’ouverture démocratique de la Guinée, dans un contexte d’absence de liberté et de médias libres.

Ce n’est pas comme actuellement où tout le monde est devenu leader grâce à la magie des médias et des réseaux sociaux. C’est pour cela que c’est amusant de voir des jeunes prétentieux qui viennent de commencer le militantisme se faire des donneurs de leçons avec beaucoup d’arrogance d’ailleurs.

Certains estiment que vous êtes politiquement mort après votre soutien au 3e mandat.

C’est le contraire, car le parti NFD est aujourd’hui plus fort qu’il ne l’était.

Vous savez, mes adversaires font tout pour me déstabiliser en utilisant tous les moyens y compris la diabolisation. Ils passent par la manipulation, l’intoxication, la diffamation et quelques fois même en transformant mes propos. C’est le cas par exemple quand ils racontent que j’ai dit que les jeunes de l’Axe sont armés et que c’est eux qui tuent, alors que je n’ai jamais dit ça, c’est totalement faux. Les jeunes de l’Axe sont mes jeunes frères pour lesquels j’ai beaucoup d’admiration et avec lesquels j’ai de très bons rapports comme l’ensemble des jeunes de Guinée d’ailleurs. Mais, l’acharnement de mes adversaires contre moi est une épreuve qui me renforce.

Sans bruit, nous renforçons NFD. Et, nous recevons tous les jours des demandes d’adhésion. Nous sommes en train d’installer de nouvelles structures comme celle de l’Égypte et d’autres qui sont en cours. L’avenir de ce pays se construira avec NFD, vous le verrez.

Que pensez-vous du déroulement de la transition après 7 mois ?

NFD souhaite que cette transition soit une opportunité pour permettre au pays d’être sur les rails du droit, de la démocratie, de l’unité et du développement.

Certains estiment que la loi ou les procédures ne sont pas souvent respectées dans les actions du CNRD.

NFD souhaite que le CNRD respecte la loi dans toutes ses actions. Mais, soyons réalistes, dès lors que la Constitution qui est la loi suprême est violée, toute autre loi peut être violée. Si au nom de la refondation de l’État, qu’on le croit ou pas, la violation de la Constitution par un coup d’État a été saluée par la quasi-totalité des guinéens, au nom de ce même idéal de refondation de l’État, les lois inferieures à la Constitution peuvent être violées, c’est une logique. C’est comme si on s’indignait de la coupure d’une branche d’un d’arbre qui est déjà à terre, dont la coupure a été saluée. Ne dit-on pas « qui peut le plus, peut le moins ».

Qu’est-ce que vous voulez dire concrètement ?

Je fais juste un constat. Je souhaite que les membres du CNRD et le Président de la Transition soient véritablement animées d’intentions patriotiques, guidés par la sincérité et éclairés par une bonne vision et une méthodologie efficace.

Qu’est ce que vous pensez de la CRIEF et de ses activités ?

J’espère que la CRIEF sera à la hauteur de ses missions et agira conformément au droit, boussole du CNRD.

Quelle est la durée que propose NFD pour la transition ?

Je pense que la durée de la transition doit résulter d’un dialogue inclusif et sincère de l’ensemble des acteurs de la vie nationale. J’ai vu que le MATD a proposé aux acteurs un processus sur 10 actions, c’est déjà un début d’échanges sur un chronogramme consensuel.

Je pense, qu’il ne faut pas pour des raisons de convenance se précipiter en brulant des étapes importantes, au risque d’un autre recommencement. La précipitation est la mère de l’échec. NFD souhaite que cette transition soit la dernière en Guinée et pour cela, il faut un travail de fond

A votre avis cela pourrait prendre combien de temps ?

On ne doit pas mettre la charrue avant les bœufs. La durée doit dépendre du contenu de ce chronogramme consensuel ou en tout cas majoritairement approuvée. Je pense qu’il nous faut une transition ni longue ni courte ; donc, un délai raisonnable qui tient compte des défis auxquels le pays est confronté. Et éviter de lier l’avenir du pays à l’ambition présidentielle d’un individu ou d’un groupe. L’unité de mesure du temps pour les ambitions d’une personne n’est pas la même pour l’avenir d’un pays.

Je pense que la transition doit permettre de dérouler des réformes éclairées, qui posent des jalons forts d’une Guinée reconciliée résolument orientée vers les défis et enjeux de développement du monde moderne.

Mais, la CEDEAO n’a pas l’air de laisser faire le CNRD, elle lui exige un chronogramme acceptable de la transition au plus tard le 25 Avril.

C’est normal, la CEDEAO est dans son rôle. Il revient au CNRD, loin de l’émotion et dans les formes appropriées, d’amener la CEDEAO à le comprendre et même à l’accompagner efficacement dans la gestion de la transition dont la réussite est souhaitée par tout le monde. Défier la CEDEAO serait une grosse erreur, voire même fatale pour le CNRD.  Il y a déjà des tensions internes et la pression externe pourrait être la goutte d’eau qui ferait déborder le vase. Toute la communauté africaine et internationale pourrait s’aligner à la position de la CEDEAO. Et le CNRD ne pourrait pas tenir toutes ces adversités multiformes et multidimensionnelles à la fois internes et externes. Or, le pays a besoin de stabilité.

Propos recueillis par Nouhou Baldé pour Guineematin.com

 

1 commentaire
  1. Alpha Oumar Bah dit

    Toutes mes félicitations aux président des NFD, pour cette brillante sortie qui reflète reelement l’image de Monsieur Mouctar Diallo. Avec lui nous gardons un espoir démesuré de coir la Guinée emergee. Voici qui un Monsieur qui resiste a tous les coups de ses adversaires politiques nuisibles pour notre.
    Soutenir NFD et son président, c’est Soutenir la vérité, la justice, le développement, le dialogue, et le vivre ensemble. Ensemble pour une Guinée meilleure.

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