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Cour constitutionnelle de Guinée : du rififi en perspective !

En annonçant le renouvellement par tirage au sort du tiers des membres de la Cour le 5 mars prochain, le président et son vice-président sont accusés de se soustraire à la règle du jeu. Alors que selon Maître Mounir Houssein MOHAMED, aucun texte ni encore aucune loi ne les permet de se soustraire. Au regard de ce qui pourrait advenir le lundi au sein de cette institution républicaine vu la réaction de ce dernier, il est évident que rien n’est encore gagné. Lisez cette lettre de Maître Mounir Houssein MOHAMED adressée aux conseillers de la Cour Constitutionnelle par ledit Maître.

                                                                                                                                                                     Messieurs et Madame les Conseillers

                                                                                                                                                                        de la Cour Constitutionnelle

Messieurs, Madame,

Le jeudi 01/03/2018, le Président et le Vice-Président de la Cour ont informé les Conseillers messieurs Cécé THEA, Ahmed Therna SANOH et madame Rouguiatou BARRY, quatre autres Conseillers étant en congé ou en permission, à savoir messieurs Amadou Tidiane KABA, Mounir Houssein MOHAMED, Amadou DIALLO et Alia DIABY, de ce qu’ils auraient décidé de procéder le lundi 05/03/2018, au renouvellement par tirage au sort du tiers des membres de la Cour, en indiquant qu’ils seraient exclus du renouvellement qui ne concernerait que les sept autres membres de la Cour.

Pour justifier leur démarche, le Président et le Vice-Président ont soutenu que la date, l’organisation et les modalités du renouvellement relèveraient de leurs seules attributions, que ces questions ne concerneraient pas les autres membres de la Cour qui ne sont informés que par souci de bonne collaboration, qu’ils sont élus respectivement pour un mandat de 9 ans et de 2 ans et que les dispositions du Règlement Intérieur de la Cour ne seraient pas applicables parce que ce Règlement Intérieur n’aurait pas fait l’objet d’un arrêt de conformité de la Cour.

Ces propos ont été réitérés devant le Conseiller Mounir Houssein MOHAMED qui était de passage à la Cour et qui a assisté à une partie des discussions.

En d’autres termes, le Président et le Vice-Président de la Cour soutiennent, d’une part, que l’interprétation des dispositions de la Constitution relatives à la Cour Constitutionnelle et de la loi organique N°006 la 10/03/2011 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle et, d’autre part, l’appréciation de la  validité du Règlement Intérieur de la Cour Constitutionnelle relèveraient de leur pouvoir discrétionnaire.

Je ne crois pas qu’il soit digne d’intérêt, de discuter du pouvoir discrétionnaire que pensent détenir le Président et le Vice-Président quant à l’interprétation souveraine des dispositions constitutionnelles et législatives relatives à la Cour Constitutionnelle. En revanche l’interprétation qu’ils font de ces dispositions doit être exposée pour dénoncer leur tentative de se maintenir illégalement à la Cour en se soustrayant à la règle du renouvellement par tiers de ses membres.

Pour tenter de se soustraire au renouvellement, le Président et le Vice-Président font valoir qu’ils sont élus respectivement pour un mandat de 9 ans et 2 ans, et qu’il pourrait être porté atteinte à la durée de leur mandat si la règle du renouvellement par tiers leur était applicable.

Mais il n’existe aucun texte qui exclut le Président et le Vice-Président de la règle du renouvellement par tiers des membres de la Cour Constitutionnelle. Si le constituant ou le législateur avaient entendu les soustraire à la règle du renouvellement, ils en auraient disposé expressément et auraient organisé autrement le mode de renouvellement des membres de la Cour. En effet, il est mathématiquement impossible de procéder au renouvellement par tiers de sept personnes, 7 n’est pas un multiple de 3 et 3 n’est pas un diviseur de 7.

En revanche, la constitution (art.101) et la loi organique (art. 4) sont clairs, nets et sans équivoque : la durée du mandat des membres de la Cour Constitutionnelle est de 9 ans. Aucun membre, sous quelque prétexte et pour quelque motif que ce soit, ne peut avoir un mandat supérieur à 9 ans.

Le Président et le Vice-Président eux-mêmes ne contestent pas ces dispositions. Mieux, ils sont parfaitement convaincus que la durée du mandat des membres de la Cour ne peut excéder 9 ans.

En conséquence, aucune interprétation ayant pour effet de fixer à plus de 9 ans la durée du mandat ou d’exclure certains membres de la Cour de l’élection au poste de Président et de Vice-Président n’est recevable.

Or, l’opinion exprimée par le Président et le Vice-Président a exactement pour effet, soit d’avoir des mandats d’une durée de 15 ans, soit d’exclure 6 personnes de l’élection au poste de Président de la Cour.

En effet, lorsque les 9 Conseillers appartenant à la première composition de la Cour auront été entièrement renouvelés, la Cour comprendra 3 nouveaux membres entrants après le troisième tirage au sort, 3 membres ayant 3 ans d’ancienneté après le deuxième tirage au sort et 3 membres ayant 6 ans d’ancienneté après le premier tirage au sort.

Si le Président de la Cour était un Conseiller ayant 6 ans d’ancienneté, il totaliserait un mandant à la Cour de 15 ans s’il devait obligatoirement exercer un mandant présidentiel de 9 ans. Si c’est un Conseiller de 3 ans d’ancienneté qui était élu, il totaliserait un mandant à la Cour de 12 ans s’il devait obligatoirement exercer un mandant présidentiel de 9 ans.

Et puisque tout le monde est d’accord pour dire que la durée du mandat des membres de la Cour ne peut excéder 9 ans, cela signifierait que le Président ne pourrait être élu que parmi les 3 derniers entrants, ce qui aurait pour conséquence d’exclure de la présidence les Conseillers ayant 3 ans et 6 ans d’ancienneté.

S’agissant du Vice-Président dont le mandant est de 2 ans, s’il était élu parmi les 3 derniers membres de la Cour, il totaliserait un mandat de 11 ans. Mais puisque le mandat de membre de la Cour ne peut excéder 9 ans, cela signifierait que les 3 derniers membres de la Cour devraient être exclus de l’élection du Vice-Président.

Or, conformément à la constitution et à la loi organique, aucun membre de la Cour ne peut échapper au renouvellement par tiers, aucun membre ne peut-être exclu de l’élection du Président et du Vice-Président et aucun membre ne peut avoir un mandat supérieur à 9 ans.

Le poste de Président ou de Vice-Président n’a pas pour effet de soustraire certains Conseillers au renouvellement ou d’empêcher certains Conseillers d’être élus Président ou Vice-Président ou de permettre à certains Conseillers d’exercer un mandat de plus de 9 ans.

Le Président et le Vice-Président pourraient faire la durée de leur mandat électif s’ils n’étaient pas touchés par le renouvellement et si la durée de leur mandat électif coïncidait avec la durée du mandat de membre de la Cour.

Tout cela avait été expliqué de long en large pendant les travaux tenus à Coyah au cours desquels a été élaboré et adopté le Règlement Intérieur de la Cour Constitutionnelle le 23/12/2015.

Les dispositions du Règlement Intérieur ont été discutés et adoptés à l’unanimité des 9 membres, à l’exception de l’article 33 relatif au Comité de Trésorerie qui a été voté à la majorité de 8 voix, le Président ayant seul voté contre.

Or, le chapitre III du Règlement Intérieur traite justement du renouvellement des membres de la Cour et du tirage au sort en ses articles 9 à 12.

A l’unanimité, les Conseillers ont décidé que le renouvellement par tiers s’appliquait à l’ensemble des 9 Conseillers constituant la première composition de la Cour, le renouvellement par tiers devenant automatique après le troisième tirage au sort.

C’est ce Règlement Intérieur que le Président et le Vice-Président tentent de remettre actuellement en cause au motif qu’il n’aurait pas fait l’objet d’un arrêt de conformité de la Cour Constitutionnelle.

A la question de savoir quelle disposition de la Constitution ou de la loi subordonnerait la validité du Règlement Intérieur à l’exigence d’un arrêt de conformité de la Cour, ils répondent que c’est là une question qui relèverait de leur pouvoir souverain d’appréciation et qui échapperait à la connaissance des 7 autres membres de la Cour.

En réalité, le Président et le Vice-Président ont préparé leur « coup » en profitant de l’absence de 4 Conseillers pour annoncer qu’ils envisageaient, dans un délai ouvrable d’un jour, de procéder au renouvellement du tiers des membres de la Cour dans les conditions et modalités connues d’eux seuls, espérant ainsi mettre tout le monde devant le fait accompli. Dans le souci de se maintenir à leur poste, ils sont déterminés à provoquer un scandale inacceptable et à exposer la Cour Constitutionnelle aux feux des projecteurs et ainsi ternir de façon définitive sa crédibilité aux yeux de l’opinion nationale et internationale.

C’est le lieu de rappeler que par décision du 28/01/2016 dûment notifiée, les Conseillers, à la majorité de sept voix sur neuf, ont procédé à la destitution du Président de ses fonctions mais ont accepté de surseoir à la mise en œuvre de cette décision sur son engagement de se conformer désormais à la loi.

Cette décision dont l’application à été différée n’a jamais été rapportée. C’est peut- être le moment de la remettre au goût du jour.

Ce sont là les réflexions que je voulais partager avec vous.

Maître Mounir Houssein MOHAMED

 

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