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Réforme des retraites en France : le gouvernement dégaine le 49.3 pour adopter le texte

Après un Conseil des ministres extraordinaire convoqué ce matin, le gouvernement a donc annoncé qu’il allait avoir recours à l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter le texte ce jeudi 16 mars à l’Assemblée nationale. La Première ministre Elisabeth Borne était l’invitée du journal de 20 heures sur TF1 pour expliquer ce choix. La séance à l’Assemblée nationale a démarré sous les huées alors que l’annonce du recours au 49.3 par le gouvernement venait d’être faite. Les députés LFI ont brandi des pancartes « 64 ans, c’est non », la Marseillaise a retenti. Yaël Braun-Pivet, la présidente de l’Assemblée nationale, a dû interrompre la séance. 

Parce que je suis attachée à notre modèle social, et parce que je crois dans la démocratie parlementaire, c’est sur votre réforme, sur le texte du Parlement, fruit d’un compromis entre les deux assemblées, que je suis prête à engager ma responsabilité…

Elisabeth Borne devant les députés français

« Sur le fondement de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, j’engage la responsabilité de mon gouvernement sur l’ensemble du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2023 », a annoncé Elisabeth Borne. Emmanuel Macron et Élisabeth Borne ont en effet choisi le passage en force. Les députés n’ont pas voté sur ce texte dont la mesure phare est le recul de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans.

Un texte « fruit d’un compromis »

Invitée du journal de 20 heures sur TF1, Elisabeth Borne s’est dite « très choquée » par les huées des oppositions dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, au moment où elle engageait la responsabilité de son gouvernement sur la réforme des retraites par l’article 49.3.

« Le texte sur lequel j’engage ma responsabilité et celle de mon gouvernement, c’est le fruit d’un compromis, d’heures de discussions au Parlement, un texte qui a été approuvé hier par des députés et des sénateurs dans lequel on a voulu prendre en compte un maximum de situations particulières. Je rappelle que ce texte permet aussi d’augmenter les plus petites pensions pour les futurs retraités, mais pour 1, 8 millions de retraités actuels – 600 € par an, en moyenne », a dit le Premier ministre, le qualifiant de « texte de compromis ».

Le choix du 49.3 pour la onzième fois

Un Conseil des ministres a été convoqué en urgence ce matin, afin d’établir la stratégie choisie pour adopter ce texte.  Selon un participant à une ultime réunion du camp présidentiel autour d’Emmanuel Macron, « il a été considéré qu’il y avait trop d’incertitudes sur le vote » en raison du risque d’absence de majorité. « Le président voulait aller au vote, mais la Première ministre a considéré qu’en raison des incertitudes, elle devait demander au président de la République d’engager la responsabilité du gouvernement via le 49.3 », a ajouté ce participant.

« On ne peut pas jouer avec l’avenir du pays », aurait martelé le chef de l’État ce jeudi 16 mars au matin. Depuis quelques jours, les macronistes s’affairaient en effet pour savoir s’ils disposaient d’une majorité de députés disposés à voter en faveur du texte, tous les comptages montrant une marge de manœuvre extrêmement faible.

On a tout fait pour pouvoir aller au vote.

Pieyre-Alexandre Anglade, député Renaissance

Le recours au 49.3 divise jusque dans le camp présidentiel. Certains élus macronistes ne cachent pas leur incompréhension. Des voix dissonantes se sont fait entendre dans les rangs d’Horizons, le parti d’Edouard Philippe. Dans un communiqué, l’ensemble du groupe des 51 députés MoDem souligne ainsi avoir plaidé « jusqu’au bout en faveur d’un vote ». Il assure néanmoins l’exécutif de « son soutien » après le recours à l’arme constitutionnelle.

Si l’exécutif a finalement renoncé à aller au vote, c’est bien parce que le groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale a littéralement explosé sur ce dossier de la réforme des retraites. Environ une vingtaine de députés Républicains se déclaraient prêts à voter contre le texte, explique Aurélien Devernoix, depuis l’Assemblée nationale. Cela rendait le résultat très hasardeux.

« Ils ont fait le choix du populisme et de la démagogie », a dit le député Renaissance Eric Woerth, aussi ancien baron des Républicains. Mais les critiques n’ont pas du camp présidentiel n’ont pas été particulièrement bien reçues chez les LR, c’est le moins que l’on puisse dire. « Il n’y avait pas d’unanimité non plus dans la majorité. C’est un échec de la méthode employée par Elisabeth Borne », a répliqué Eric Ciotti, le patron des Républicains. Reste que son autorité à l’Assemblée est désormais très contestée.

Dans la salle des Quatre Colonnes, les députés ont défilé pour commenter ce nouveau chapitre parlementaire. « Le Parlement aura jusqu’au bout été bafoué, humilié », a dénoncé Fabien Roussel, chef de file des députés communistes.

Motions de censure

D’ores et déjà, Marine Le Pen a annoncé qu’elle déposerait une motion de censure, estimant qu’Elisabeth Borne ne peut pas rester à Matignon. Marine Le Pen a par ailleurs affirmé que les députés RN voteraient l’intégralité des motions de censure qui seront déposées par les différents groupes, indique Charlotte Urien-Tomaka, envoyée spéciale de RFI à l’Assemblée nationale.

Elisabeth Borne ne peut pas rester, elle le sait bien d’ailleurs.

Marine Le Pen, présidente du groupe Rassemblement National à l’Assemblée nationale

Le groupe Liot (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires ) prévoit de déposer une motion transpartisane. La présidente du groupe LFI, Mathilde Panot, a quant à elle évoqué une « motion de censure transpartisane », mais aussi une prochaine saisine du Conseil constitutionnel par la Nupes et un référendum d’initiative partagée « qui permet de bloquer la réforme pendant neuf mois ».

« Nous ne nous associerons à aucune motion de censure et ne voterons aucune motion de censure », a prévenu jeudi Eric Ciotti, après l’utilisation par le gouvernement du 49.3 pour la réforme des retraites. « Nous ne voulons pas rajouter du chaos au chaos », a justifié le patron de LR, toutefois contredit peu après par le député Aurélien Pradié, opposé à la réforme.

Cela pourrait donner quelques sueurs froides à Elisabeth Borne, car une nouvelle fois, ce sont ces députés Républicains qui seront les députés pivots pour les motions de censure. Seule consolation pour le Premier ministre, le soutien affiché par les rares députés du camp présidentiel qui sont venus voir les journalistes. « Elle conserve notre confiance », ont-ils tous déclarés.

Nouvelles mobilisations

Place de la Concorde, à Paris, Jean-Luc Mélenchon, s’en est pris au gouvernement.  Selon lui, après cet « échec spectaculaire », le mouvement social a « de bonnes chances d’avoir le dernier mot ». « Nous sommes en face d’un texte pas adopté dans les formes d’une démocratie parlementaire », a insisté le chef insoumis.

C’est le moment de sortir dans la rue ce week-end. On encourage tous les mouvements de grève et de masse.

Côté syndicats, « c’est pour l’exécutif une tripe défaite : populaire, morale et politique », a jugé le dirigeant de l’Unsa, Laurent Escure. Son homologue de la CFDT, Laurent Berger, a promis de nouvelles manifestations. L’intersyndicale a appelé à une 9e journée de grève jeudi 23 mars.

Un déni de démocratie.

Réforme des retraites: la réaction des manifestants au 49.3

Moins d’une heure après l’annonce du choix du gouvernement, un cortège de plus de 1 500 jeunes a pris la direction de l’Assemblée nationale, aux cris de « Eh Manu, Manu, 49.3 ou pas, ta réforme, on n’en veut pas » avant de rejoindre la Concorde.

Des représentants de plusieurs organisations de jeunesse, syndicats étudiants (Alternative), et organisations politiques (Jeunes insoumis, Jeunes écologistes, NPA Jeunes), à l’initiative de cette manifestation, étaient présents. Ils ont été rejoints par des travailleurs.

Intervention des forces de l'ordre sur la place de la Concorde, le 16 mars, à Paris, face aux manifestants protestant contre la réforme des retraites.
Intervention des forces de l’ordre sur la place de la Concorde, le 16 mars, à Paris, face aux manifestants protestant contre la réforme des retraites. AP – Thomas Padilla

Il faut bloquer le pays !

Réforme des retraites: les manifestants de la place de la Concorde

Des tensions ont éclaté aux environs de l’Assemblée nationale et place de la Concorde, où les forces de l’ordre sont intervenues, notamment avec des canons à eau. Une bonne partie des manifestants avait quitté la place vers 20 h 30 pour se disperser dans les rues alentours. Au moins 38 personnes ont été interpellées par les forces de l’ordre. Des incidents ont aussi éclaté dans d’autres villes comme Nantes, Rennes ou Marseille.

Réforme des retraites – Édition spéciale du 20 mars 2023

Le 49.3, l’article le plus connu de la Constitution

Le 49.3 fait référence à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution de la Ve République, qui permet au « Premier ministre, après délibération du conseil des ministres » d’engager « la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale ». Le Premier ministre peut recourir à ce dispositif également pour un autre projet de loi mais uniquement une fois par session parlementaire, ce qui limite son usage. Le projet est ensuite considéré comme adopté, « sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent ».

En dégainant le 49.3, le gouvernement risque une motion de censure : les députés doivent la déposer dans les 24h, signée par 58 d’entre eux. Le texte est ensuite discuté en séance dans les 48h. Si la motion de censure ne parvient pas à obtenir la majorité absolue, fixée à 289 votes, le texte du gouvernement est adopté sans vote. Si la motion de censure est adoptée, elle entraîne la démission du Premier ministre et de son gouvernement. Plus de 100 motions de censure ont été déposées depuis 1958, rappelle l’Agence France presse, mais seule une a abouti, en 1962, faisant chuter le gouvernement de Georges Pompidou.

libreopinionguinee avec RFI

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