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Présidentielle aux États-Unis : le coronavirus plonge le duel Trump-Biden dans l’incertitude

Surnommé « l’ennemi invisible » par Donald Trump, le Covid-19 a fait près de 90 000 morts aux États-Unis, ravagé l’économie mais aussi secoué la politique. À six mois de l’élection présidentielle, le coronavirus a brouillé les cartes et cassé les repères du duel annoncé entre le président sortant et le démocrate Joe Biden.

L’affrontement pour la Maison Blanche entre Donald Trump, 73 ans, et Joe Biden, 77 ans, a pris une tournure inédite. Seule certitude, le virus meurtrier, qui a paralysé la campagne et rendu le candidat démocrate presque inaudible, accentue encore une tendance : le scrutin du 3 novembre sera un référendum sur l’actuel locataire de la Maison Blanche, son style, ses outrances.

Il y a quatre mois, les choses étaient plus claires. Se vantant d’un taux de chômage au plus bas et d’une croissance économique solide, Donald Trump claironnait ses quatre années de plus à venir à la présidence des États-Unis. Une présidence remplie, selon lui, de succès grâce à son flair d’homme d’affaires.

Joe Biden, lui, croyait faire son miel sur la nostalgie d’un âge d’or de sa vice-présidence sous Barack Obama, jurant qu’il saurait mettre un terme aux scandales et à la division provoqués dans un style d’animateur d’émission de téléréalité par Donald Trump. Bref, Biden voulait restaurer « l’âme de l’Amérique ».

Président invicible avant la crise

Fort d’un parti uni derrière sa candidature, Joe Biden menait certes dans les sondages. Mais encore échaudés par la victoire surprise de ce dernier en 2016 face à Hillary Clinton, les observateurs ne veulent plus se fier aveuglément aux sondages nationaux, dans un pays où la présidentielle se joue à l’échelle des États. Et où Donald Trump a pu gagner l’élection tout en perdant le vote populaire, dans ce mode de scrutin indirect.

D’aucuns étaient donc persuadés qu’au bout du compte, Donald Trump parviendrait à se faire réélire le 3 novembre. Il faut remonter à 1992 et à George Bush père pour trouver le dernier président américain à avoir échoué dans cette entreprise. Historiquement aux États-Unis, si le chef de la Maison Blanche peut se prévaloir d’une excellente santé économique du pays, il est presque invincible.

Affichant une confiance en soi de mâle alpha, Donald Trump distillait alors un message simple lors de ses meetings politiques à travers le pays : un nationalisme agressif à l’étranger, des emplois à la maison. Et de douter publiquement : comment un homme qu’il n’hésite pas à insulter du sobriquet de « Sleepy Joe » (Joe l’endormi), pouvait-il rivaliser ?

Les cartes brouillées, même pour Biden

Puis vint le coronavirus. Et la partition écrite d’avance s’est brouillée. L’histoire, les sondages, l’avantage au président sortant, les grandes leçons sur l’importance de l’économie à l’approche du scrutin : c’est comme si plus rien n’avait de valeur. Vivement critiqué pour sa gestion de la crise sanitaire et son manque d’empathie, navigant à vue dans une tempête économique à l’issue incertaine, Donald Trump a, depuis quelques jours, choisi une nouvelle cible : Barack Obama, l’un des grands atouts de son rival.

La popularité de l’ancien président démocrate est au zénith, notamment auprès de l’électorat noir qui pourrait détenir les clés de la Maison Blanche. L’ancien magnat de l’immobilier promet ainsi une cascade de révélations sur ce qu’il a appelé « Obamagate », une formule-choc en référence au Watergate à l’appui de laquelle il n’a cependant fourni aucun élément concret. « Votez » : c’est en appelant les démocrates à se mobiliser qu’a d’abord sobrement répondu jeudi Barack Obama sur Twitter, avant de critiquer indirectement le président pour sa gestion de l’épidémie, lors d’une remise de diplôme.

Pourtant, rien n’y fait. L’étoile de Joe Biden n’est toujours pas au firmament. Car là aussi, les cartes sont brouillées. D’autant qu’il ne suscitait déjà pas un énorme enthousiasme avant d’être bloqué chez lui par la pandémie. Vieux lion de la politique, apprécié de ses partisans pour son empathie et son côté chaleureux, le septuagénaire est peu versé aux nouvelles technologies et souffre d’être privé de campagne sur le terrain.

L’équipe Biden affirme déjà mener la bataille là où se jouera l’élection. Mais Joe Biden a beau multiplier les entretiens et tables rondes par visioconférence depuis sa maison du Delaware, sa voix a du mal à percer. Pire, s’il est finalement parvenu à faire les gros titres récemment, c’est en démentant catégoriquement l’agression sexuelle, qui remonterait à 1993, dont l’accuse une femme, Tara Reade.

La carte chinoise de Trump

Si Donald Trump a, sur ces accusations, plutôt épargné son rival démocrate, il n’hésite pas à donner de la voix sur d’autres fronts, en tentant de dépeindre, avec son équipe, un « Sleepy Joe » fatigué, souffrant de sénilité, à la botte de la Chine. Tous les moyens seront bons pour Donald Trump afin de détourner l’attention de la réalité de la pandémie et de l’effondrement économique du pays.

Or il peut de fait compter sur un phénomène politique anormal : certains Américains ne blâme pas Donald Trump d’un tel effondrement, mais plutôt la Chine. Une ligne d’attaque que l’équipe Trump répète à l’envi.

Bien consciente de ce danger, l’équipe de Joe Biden multiplie les messages pour affirmer que si le locataire de la Maison Blanche n’est pas responsable de l’apparition du virus, c’est bien sa mauvaise gestion de la crise qui a précipité les États-Unis dans la tourmente.

Assez détestable pour perdre ?

Travaillant à sa réélection depuis son arrivée au bureau ovale, Donald Trump bénéficie lui d’une grande longueur d’avance dans l’organisation, le ciblage ultra-précis des électeurs en ligne, et sur le terrain. Il dispose aussi d’un podium de choix à la Maison Blanche, avec ses nombreuses conférences de presse, les déplacements à travers les États-Unis qu’il vient de reprendre, ses tweets lus par des dizaines de millions de personnes.

Mais après des déclarations retentissantes sur le virus, désinfectant y compris, et des conférences fleuves, souvent colériques, Donald Trump est en train de faire de cet avantage potentiel un handicap. Pour de nombreux observateurs, il n’y aura finalement qu’une grande question le jour de l’élection : Donald Trump va-t-il être assez détestable aux yeux des électeurs modérés, centristes, indépendants et démocrates au point de mobiliser la participation du côté démocrate, autant qu’il est capable de motiver la participation des républicains ?

(Avec AFP)

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