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Mali, Guinée et Burkina Faso: un front commun mais pas de «fédération» à ce stade

Les ministres malien, burkinabè et guinéen des Affaires étrangères se sont réunis le 9 février dernier pour une inédite rencontre tripartite à Ouagadougou. Depuis, les rumeurs bruissent sur la constitution d’une fédération. Les trois pays ont certes décidé de faire front commun, mais la constitution d’une fédération n’est en aucun cas envisagée pour le moment.

Cette rencontre n’a, en aucun cas, servi à acter ni même à préparer une fédération entre les trois pays. Cela serait un changement énorme car une fédération, cela voudrait dire que le Mali, le Burkina et la Guinée décideraient de ne former qu’un seul pays régi par un système fédéral, comme aux États-Unis, en Allemagne ou en Russie.

Pas de fédération…

Ceci dit, le mot ne sort pas de nulle part, il vient de la bouche du Premier ministre burkinabè, Apollinaire Kyélem de Tambela. C’est lui qui l’a prononcé avant même cette rencontre tripartite puisqu’il en avait parlé à l’occasion de sa visite à Bamako début février. « Nous pouvons constituer une fédération souple qui peut aller en se renforçant et en respectant les aspirations des uns et des autres chez eux », avait-il déclaré.

Il s’agissait donc d’une idée personnelle qui n’a été reprise ni par les autorités maliennes, ni par les autorités guinéennes. Ni même par aucune autre voix officielle au Burkina. Il s’agissait d’une déclaration « sans engagement » qui, à ce stade, n’est pas du tout un projet officiel.

…mais un front commun

Ce qui est clair en revanche, c’est que la réunion tripartite qui a eu lieu à Ouagadougou il y a une semaine a été l’occasion d’afficher un rapprochement, un front uni de ces trois pays qui partagent une situation commune. Ils ont tous les trois connus un coup d’État militaire, sont tous les trois en période de transition et, à ce titre, sont tous les trois suspendus, mais toujours membres des organes de l’Union africaine et de la Cédéao. Ils ne pourront donc à nouveau siéger dans les instances de ces organisations que lorsqu’ils seront revenus à l’ordre constitutionnel. C’est-à-dire, lorsqu’ils auront des dirigeants élus.

Si ce n’est pas de créer une fédération, quel est le projet des trois dirigeants ? C’est tout simplement d’unir leurs forces. Ils ont annoncé faire un front commun sur deux niveaux. Le premier concerne la suspension des instances de l’UA et de la Cédéao. Les trois ministres malien, guinéen et burkinabè des Affaires étrangères ont déclaré vouloir mener des « initiatives communes » pour obtenir la levée de ces suspensions, sans toutefois préciser lesquelles.

Le plus probable, c’est une forme de plaidoyer politique groupé auprès de ces institutions :  dénoncer d’une même voix les problèmes et même l’injustice que cela représente à leurs yeux, notamment le fait que cela réduit leurs possibilités de se faire entendre et de prendre part à des décisions qui peuvent les concerner sur, par exemple, le plan sécuritaire ou sur celui du développement.

Ce dernier est d’ailleurs le deuxième niveau de ce front commun puisque les trois ministres ont évoqué une longue série de projets très divers sur l’approvisionnement en hydrocarbures et en électricité, le développement du commerce et des transports à partir du port de Conakry, l’organisation commune de l’exploitation minière, la construction d’une ligne de chemin de fer reliant leurs trois capitales ou encore la construction de nouvelles routes.

Bref, des idées très concrètes même si les détails manquent. Mais selon Baba Dakono,  secrétaire exécutif de l’Observatoire citoyen sur la gouvernance et la sécurité de Bamako, interrogé par RFI, ces idées ne sont pas nouvelles. Elles reprennent en fait un plan qui avait été élaboré par le G5 Sahel, organisation dont le Mali a claqué la porte en mai dernier.

Le chercheur malien explique surtout que ces annonces vont se heurter à un problème de financement. D’ailleurs, les trois ministres ont ouvertement sollicité un appui technique et financier et on comprend dans le communiqué que cet appel s’adresse prioritairement à la Cédéao et à l’Union africaine.

Donc ce qui est indéniable, même si on ne parle pas de fédération au sens formel et quoi qu’il advienne de ces projets annoncés, c’est que le Mali, le Burkina Faso et la Guinée, ont décidé de faire bloc.

Réintégrer les instances sous-régionales

De son côté, la Cédéao n’a pas réagi à cette rencontre entre les trois pays. Les rapports de ces trois pays et de la Cédéao sont tumultueux. C’est encore plus le cas pour le Mali que pour les deux autres. Récemment, les autorités maliennes de transition s’en sont même directement pris au président de la Cédéao, le Bissau-Guinéen Umaru Sissoco Embalo, avec des propos à la limite de l’insulte lors de l’épisode des militaires ivoiriens arrêtés au Mali.

Mais même sans réaction officielle, on peut se douter que l’initiative n’a pas dû susciter beaucoup d’enthousiasme du côté de la Cédéao mais plutôt de la méfiance, voire du dédain. Un cadre de l’Union monétaire ouest-africaine (Uemoa) résumait d’ailleurs assez bien l’état d’esprit général avec cette question : « Mais quels moyens ont-ils pour se passer des autres ? ».

C’est donc l’avenir qui dira si cette nouvelle alliance porte, ou non, ses fruits. Et il faut aussi rappeler que dans leur communiqué, le Mali, le Burkina et la Guinée réaffirment leur « attachement » aux « principes » et aux « objectifs » de l’Union africaine et de la Cédéao. Leur demande n’est pas de les quitter, mais au contraire de réintégrer les instances de ces deux organisations.

Les prochaines étapes, avec notamment ces « initiatives communes » annoncées par les trois pays, permettront sans doute d’éclairer tout cela et susciteront peut-être des réactions plus claires de la part de l’instance sous-régionale.

Libreopinionguinee avec RFI

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