Le mépris de la jeunesse : un aveuglement volontaire d’Aliou Bah (par Ibrahima Sanoh)
Aliou Bah, dans son article empreint d’arrogance, critique ouvertement une partie de la jeunesse sans reconnaître les failles de son propre leadership. Plutôt que de chercher à comprendre pourquoi les jeunes se détournent des partis traditionnels, il les accuse de se vendre pour un t-shirt et 50 000 FG. Voici pourquoi ses propos sont déconnectés de la réalité et injustes :
1. L’échec des partis politiques à répondre aux attentes des jeunes
Aliou Bah évite de s’interroger sur l’incapacité des partis politiques, y compris le sien, à répondre aux aspirations légitimes de la jeunesse. Cette dernière est fatiguée de voir les mêmes visages, les mêmes promesses vides et les mêmes résultats médiocres. En dénonçant le soutien des jeunes à des régimes qu’il appelle « dictateurs », il fait l’impasse sur les causes profondes de ce soutien. Pourquoi des jeunes, confrontés à une mauvaise gestion et une absence de perspectives, devraient-ils continuer à faire confiance à des politiciens qui n’ont rien accompli pour améliorer leurs conditions de vie ?
Les jeunes guinéens ne soutiennent pas aveuglément ce qu’il appelle « dictature ». Ils cherchent une alternative à des partis qui ont démontré leur incapacité à faire face aux enjeux socio-économiques du pays. Bah semble oublier que ce sont ces mêmes partis traditionnels qui, par leur incompétence, ont poussé les jeunes à explorer d’autres voies. Critiquer sans introspection relève d’une arrogance mal placée.
2. L’auto-proclamation de Bah comme leader : un paradoxe démocratique
Aliou Bah se proclame président de son parti ou d’un organe transitoire sans passer par des élections démocratiques. En adoptant cette posture, il devient le symbole même de ce qu’il dénonce : un leadership imposé sans légitimité. Comment peut-il donc critiquer ceux qui soutiennent des régimes autoritaires, alors qu’il agit de manière similaire dans son propre parti ?
La démocratie qu’il prêche est mise à mal par ses propres actions. Avant de critiquer la jeunesse, il devrait clarifier son propre statut et expliquer en quoi son auto-proclamation reflète une gestion plus démocratique que ce qu’il condamne chez les autres. Les jeunes ne suivent pas des dictateurs par plaisir, mais par désillusion face à des figures politiques qui, comme Bah, s’arrogent des postes sans passer par les urnes.
3. La déconnexion avec la réalité des jeunes
Aliou Bah accuse la jeunesse de vendre son soutien pour une modique somme et un t-shirt, sans se poser la question des raisons économiques qui poussent cette jeunesse à agir ainsi. Vivre dans un contexte de pauvreté, sans emploi ni avenir assuré, pousse certains jeunes à accepter ce qu’ils peuvent pour survivre. Plutôt que de critiquer ces jeunes, Bah devrait s’intéresser à la responsabilité des leaders politiques, y compris lui-même, dans la création de ce climat de précarité.
Bah semble déconnecté des réalités socio-économiques. La jeunesse guinéenne mérite des solutions concrètes, pas des sermons méprisants. Plutôt que de les blâmer pour leurs choix, il serait plus utile de leur offrir des opportunités réelles, des emplois, une éducation de qualité, et des systèmes de gouvernance plus inclusifs.
4. Un manque de compréhension des motivations politiques des jeunes
Bah critique le désintérêt des jeunes pour les élections, mais il ne cherche pas à comprendre pourquoi. Les jeunes sont désabusés par des processus électoraux qui n’apportent aucun changement tangible dans leur vie quotidienne. Pourquoi voteraient-ils pour des partis qui ne tiennent jamais leurs promesses ? Aliou Bah semble ignorer ce sentiment de trahison, préférant pointer du doigt une jeunesse qui, selon lui, aurait abandonné ses droits civiques.
Il serait plus productif d’analyser les causes de cette désaffection pour la politique : corruption, promesses non tenues, manque de transparence et de résultats concrets. La jeunesse ne se détourne pas des élections par irresponsabilité, mais parce qu’elle ne voit aucune raison de croire en des leaders qui, élection après élection, continuent de les décevoir.
5. L’arrogance et la condescendance n’apportent pas de solutions
L’arrogance avec laquelle Bah s’attaque à une partie de la jeunesse est non seulement contre-productive, mais aussi symptomatique d’un éloignement des réalités du terrain. Plutôt que de s’ériger en juge moral, il devrait se concentrer sur la construction de ponts entre les générations et sur la fourniture de solutions pratiques à leurs problèmes. Cette condescendance renforce l’image d’une classe politique qui refuse de reconnaître ses propres torts et qui préfère blâmer la jeunesse pour des situations qu’elle n’a pas créées.
Il est facile de critiquer. Ce qui est difficile, c’est d’offrir des solutions réelles, des alternatives crédibles, et de restaurer la confiance de la jeunesse dans le processus politique. Aliou Bah ferait bien de méditer là-dessus.
Conclusion : Une jeunesse éveillée, pas méprisée
Aliou Bah rate complètement la cible en tentant de disqualifier une jeunesse qui, plus que jamais, cherche des réponses à ses préoccupations quotidiennes. Loin d’être passive ou vendue à bon marché, cette jeunesse est le produit des échecs successifs d’une classe politique, dont il fait partie. Plutôt que de la mépriser et de la juger, il est temps de comprendre ses frustrations, de s’attaquer aux vraies causes de sa désillusion, et de lui offrir des opportunités concrètes pour participer à la construction d’une Guinée plus juste et prospère.
Ibrahima Sanoh
Citoyen guinéen