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Le général Facinet Touré parle : « Le racisme n’a pas commencé aujourd’hui en Guinée. Le racisme a existé il y a longtemps. On est allé jusqu’à inventer le racisme peul… »

Témoin de tout le parcours de la République Guinée, le général Facinet Touré, ex-secrétaire général de la Grande Chancellerie de l’ordre national du mérite et ancien Médiateur de la République est aujourd’hui très malade. Il y a un an, il a été victime d’un AVC (accident vasculaire cérébral) qui lui a coûté la vue. Malgré le fait d’avoir subi plusieurs opérations, le général intellectuel, au langage franc n’a toujours pas retrouvé l’usage de ses yeux.

Après plusieurs tentatives sans succès de joindre le président de la République, Facinet Touré, 86 ans, qui vit -dignement- dans sa villa en haute banlieue de Conakry souhaite une évacuation en Allemagne en vue d’une autre opération. Le doyen a accepté volontiers de rencontrer Mediaguinée, le 19 juin dernier à son domicile. Émouvant !!!!

Mediaguinee : Bonjour, mon Général

Général Facinet Touré : Bonjour Maciré. Comment ça va ?  

Je vais très bien merci. Comment se porte le général Facinet Touré aujourd’hui ?

Beuh. Il se porte bien apparemment.  

Le matin je sors, je viens m’asseoir là à 9 heures et le soir à 15 heures, 16 heures je rentre. Voilà une carrière de 69 ans.

Ça fait longtemps que vous avez disparu de la scène politique. Pourquoi ce silence ? 

Ça fait un an que je suis couché. Le 22 avril précisément il y a un an, l’AVC m’a attaqué une seconde fois. La première fois, ça fait 10 ans, mon côté droit a été paralysé. Ça a coïncidé avec la période transitoire du pays. Ça a permis à Sékouba Konaté [ancien président de la transition] qui est le fils d’un ami de me faire évacuer au Maroc. J’avais tout le côté droit paralysé. Au bout d’un mois j’ai récupéré. Le deuxième AVC qui m’a frappé, cette fois-ci j’ai eu un choc aux jambes, aux yeux, aux dents. Déjà, je soignais mes yeux de glaucomes, j’ai été à Paris plusieurs fois pour subir des opérations et maintenant je ne vois plus rien. Alors ma famille tout de suite m’a fait hospitaliser à la clinique Pasteur. Le Président [Alpha Condé] n’était pas là, à son arrivée il est allé me sortir de là, il m’a envoyé à Rabat, à l’hôpital militaire. Mais là, on n’a pu rien faire. On a fait que découvrir là-bas que j’avais le diabète. En 86 ans jusqu’à présent on ne m’avait jamais dit que j’avais le diabète. J’ai fait 15 jours là-bas, je suis revenu, je suis allé refaire à Tunis. Là-bas, ils n’ont pas pu, c’était pour ouvrir mes yeux, ils n’ont pas pu. Je suis revenu depuis, je suis là assis. Mon passeport, il faut le changer parce que l’ancien portait le titre de médiateur, maintenant je ne suis plus médiateur. Mon fils a payé un passeport, ils sont allés remettre la même erreur. Alors il a été obligé de payer un autre passeport, jusqu’à présent je n’ai pas ce passeport et on n’a pas le passeport de mon fils qui doit m’accompagner et je n’ai pas le prix du voyage et de l’opération et du séjour là-bas. Pour le voyage je ne sais pas combien coûtent les deux billets aller-retour Conakry- Berlin, ni le coût pour aller acheter des yeux artificiels, parce qu’ils en ont créé là-bas à 83 000 euros. Ce qui fait que pour les deux yeux il faut 166 000 euros. J’ai écrit au Président, mon fils aussi a écrit, d’autres personnes aussi ont écrit mais pour le moment le Président n’a pas répondu. Alors que les élections présidentielles du 2ème tour se sont passées ici dans ma maison à l’étage. Tout s’est passé ici. Le Président était là matin, midi et soir. Aujourd’hui ce n’est plus ça. Il ne me voit pas, je ne l’entends pas. Je ne suis plus utile à quelque chose alors je suis assis ici. Le matin je sors, je viens m’asseoir là à 9 heures et le soir à 15 heures, 16 heures je rentre. Voilà une carrière de 69 ans.

Je suis l’un des rares aujourd’hui, créateur de l’armée guinéenne qui vit encore. Lansana Conté était mon ami. Il l’était pour certains. On s’est rencontré dans l’armée française. On est allé ensemble en Algérie pour la guerre d’Algérie. C’est là-bas qu’on a voté NON au référendum du 28 septembre. On a voté en septembre et le 18 octobre j’étais là. On est venu, en ce moment nous étions 3 sergents au camp Samory. Moi, Sow Aliou Diouldé et ‘’Zézéca’’. Ils sont tous deux morts.

Je suis l’un des rares survivants créateurs de l’armée guinéenne. Nous avons créé l’armée guinéenne. Le camp Samory s’appelait le camp Mangin. Au secrétariat de l’état-Major, il y avait Sergent Conté, Sergent Mangata, Sergent Dioubaté, Sergent Mamadou Mansaré, Sergent Fassa Diallo et l’épouse de Foulayi. Ils étaient les secrétaires. Moi, j’étais secrétaire du BQG. J’ai commencé avec le sous-Lieutenant Tounkara Aboubacar, il est aujourd’hui décédé. Ensuite avec Condé Idrissa qui est aussi décédé. Puis Abou Soumah. Abou Soumah c’est lui et moi qui avons créé le Bataillon du Quartier Général-BQG- du camp Samory. On a appelé là-bas Camp Samory. Et voilà il y a beaucoup de choses qui se sont passées dans plusieurs mois. Nous avons travaillé 9 mois au début de l’indépendance sans un kopeck. Il n’y avait rien.

Alors pour la petite histoire, nous voulions un seul candidat pour la Basse Guinée [en 2010]. Mais j’étais assis à mon étage-là, il y a la ligue de la Basse Guinée qui m’a envoyé les Imams pour me demander de réunir les leaders de la Basse Guinée, ils ont quelque chose à leur dire. Et la campagne du premier tour avait commencé. Comment moi, je vais faire ? Ma mère aussi venait de décéder. À cause de la Basse Guinée j’ai accepté. Je me suis mis à appeler les candidats. Somparé était à N’Zérékoré, Kassory était à Dabola, Sidya était à Gbenko, Mamadou Sylla était à Tanènè, Abé Sylla était à Farmoriah. Alors je les ai tous appelé, je dis : “réunion chez moi demain à 16 heures”. Ils m’ont prié qu’ils ont des meetings en semaine, de reporter. C’est Mamadou Sylla seul qui est venu à la réunion. On a reporté à la date qui correspond à la veille des élections. Ce jour-là, ils sont tous arrivés ici. Parce que je note que les leaders-là, je suis leur grand-frère à eux tous. Et le Président de la République même d’aujourd’hui je suis son grand-frère. Les Imams disent que c’est moi seul qui pouvais réunir les leaders-là, voilà pourquoi ils sont venus chez moi. Ils disent qu’ils ont appris qu’il y a beaucoup de nos enfants qui veulent être Président de la République, voilà pourquoi ils sont venus chez moi (Pause. Il demande à boire).

Les imams ont dit qu’il fallait qu’on accompagne Alpha. Le lendemain, j’ai dit à la Basse Guinée d’accompagner Alpha. Voilà comment ça s’est passé mais on a trouvé des surprises. 

Les Imams disent qu’ils ont appris qu’on a des frères qui sont candidats. Alors pour voir clair, eux-aussi les Imams, même si ces candidats n’ont pas été les voir, ils ont acheté un bœuf, ils en ont fait le sacrifice de 41 plats de riz que les gens ont mangé. Ils ont fait Istikhara pour voir comment cette chose allait se passer. Cette chose, les élections. Ils ont trouvé que si les candidats de la Basse Guinée se mettaient ensemble pour choisir un seul candidat on allait gagner. Si non, on n’aurait rien. Moi, je dis “j’ai tout fait pour qu’on soit ensemble mais on n’est pas ensemble. Moi, je suis le 1er vice-président de la coordination de la Basse Guinée au temps de Fodé Sylla. Le 2è vice-président c’est mon grand frère le Docteur Rachid Touré de Farmoryah”. Alors les leaders ont dit maintenant “mais mieux vaut demander aux Imams”. J’ai dit maintenant s’il y a un seul qui va au deuxième tour, celui qui ira au deuxième tour, les autres n’ont qu’à l’accompagner. Mais personne n’a été, ils n’ont pas gagné. Les leaders me disent de demander aux Imams, entre les deux qui restent qui est bon pour la Guinée. Mais les Imams ont dit qu’il fallait qu’on accompagne Alpha. Le lendemain, j’ai dit à la Basse Guinée d’accompagner Alpha. Voilà comment ça s’est passé mais on a trouvé des surprises.  

Nous n’avons pas pris le pouvoir le 3 avril 1984 pour voir la Guinée continuer sur les mêmes problèmes.

Au vu de la situation actuelle dans le pays, quel est votre message à l’adresse de la population guinéenne ?

Je suis ici grâce à la radio. Je suis les événements qui se passent. J’avoue que nous n’avons pas pris le pouvoir le 3 avril 84 pour voir la Guinée continuer sur les mêmes problèmes. C’est qu’on sorte de ça complètement. Avec le premier régime je suis allé en prison au camp Boiro 2 fois, je voulais qu’on sorte de ça. Parce que j’ai vu des choses qui n’étaient pas bonnes pour la Guinée et le Guinéen et voilà qu’on retombe là-dedans encore. C’est pourquoi je vous ai dit tout à l’heure, il y a beaucoup de surprises hélas.

Je dis que la France aime mieux se servir du Guinéen pour renverser le régime…

Le racisme n’a pas commencé aujourd’hui en Guinée. Le racisme a existé il y a longtemps. On est allé jusqu’à inventer le racisme peul. Je dis que la France aime mieux se servir du Guinéen pour renverser le régime, c‘est possible. Mais, généralement les Guinéens qui ont été arrêtés et qui ont disparu, jusqu’à présent je reste sur ma faim. On dit beaucoup de choses.
Source: Mediaguinee

1 commentaire
  1. DIAKITÉ dit

    Mon « général » , vous conviendrez avec moi que ce genre de SOS( ou mendicité ?) N’est pas du tout militaire ?
    Que Dieu vous rétablisse la santé.
    Mory Sanda DIAKITÉ

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