Hong Kong: la loi controversée sur la sécurité nationale adoptée par Pékin

Le Parlement chinois a adopté ce mardi 30 juin la loi controversée sur la sécurité nationale à Hong Kong, ont annoncé des médias du territoire semi-autonome, faisant craindre une répression de toute opposition politique dans l’ex-colonie britannique.
La responsable a voulu aussi envoyer un message décomplexé, en empruntant les mots de la diplomatie de Pékin : « J’exhorte la communauté internationale à respecter le droit de notre pays à garantir la sécurité nationale et les aspirations à la stabilité et à l’harmonie de la population de Hong Kong », a-t-elle lancé.
Cette loi, qui entend réprimer le « séparatisme », le « terrorisme », la « subversion » et la « collusion avec des forces extérieures et étrangères », vise à ramener la stabilité dans l’ex-colonie britannique secouée l’an passé par des manifestations monstres contre le pouvoir central.
Le pouvoir chinois était, semble-t-il pressé, et tenait à ce que la loi soit adoptée avant l’anniversaire de la rétrocession de l’ex-colonie britannique à la Chine, rapporte notre correspondant à Pékin, Stéphane Lagarde. Selon le South China Morning Post, il a fallu moins d’une quinzaine de minutes pour l’adoption de la loi, en seconde lecture et à l’unanimité des 162 membres du Comité Permanent de l’Assemblée nationale populaire. C’est l’organe législatif le plus élevé dans le système chinois.
Le Parlement s’est réuni deux fois en moins de deux semaines pour terminer la rédaction de cette loi critiquée à Washington et à Bruxelles ainsi que par les pro-démocrates à Hongkong, mais perçue par les médias d’État chinois comme un impératif de « sauvegarde de la sécurité nationale dans la région administrative spéciale de Hong Kong ».
Un deuxième retour de Hong Kong à la Chine
« Si les délégués ont décidé de se retrouver dans un délai aussi court, c’est bien que Pékin est impatient, commente Wu Qiang, analyste politique et ancien professeur à l’université Qnghua à Pékin. La loi devrait entrer en vigueur immédiatement après ce vote, l’objectif étant de refermer le couvercle avant le 23e anniversaire de la rétrocession. En un sens, l’adoption de la loi sur la sécurité nationale est perçue par les autorités chinoises comme un « deuxième retour de Hong Kong à la Chine ». Cela renforce les pouvoirs du gouvernement central et cela va avec l’établissement d’un bureau de sûreté, la mise en place de tribunaux spéciaux et la création d’une commission de sécurité nationale. Cette loi est donc cruciale pour le pouvoir chinois. »
Le texte pour l’instant n’aurait été vu que par une poignée de délégués hongkongais au sein du parlement chinois, affirme le South China Morning Post. Une séance d’information serait prévue ce mardi pour les autres, avant de discuter de l’insertion des nouvelles mesures dans l’annexe III de la « Loi fondamentale », la mini-constitution de Hong Kong.
« La fin de Hong Kong »
Élaboré en seulement six semaines, le contenu de ce texte n’est donc pas connu des quelque 7,5 millions de Hongkongais, qui ignorent la nature exacte des crimes passibles de cette nouvelle loi. Son adoption contourne totalement le conseil législatif local, fait inédit à Hong Kong.
Pour l’opposition pro-démocratie de Hong Kong et pour plusieurs pays occidentaux dont les États-Unis, le G7 ou encore l’Union européenne (UE), cette loi est au contraire une attaque contre le système politique du territoire. Les opposants redoutent qu’elle serve à museler toute dissidence et à enterrer la semi-autonomie et les libertés dont jouissent les habitants de Hong Kong.
L’Union européenne a regretté ce mardi l’adoption de cette loi par la Chine. « Nous déplorons cette décision. Cette loi risque de porter gravement atteinte au degré élevé d’autonomie de Hong Kong et d’avoir un effet préjudiciable sur l’indépendance du pouvoir judiciaire et de l’Etat de droit », a déclaré le président du Conseil européen Charles Michel, au cours d’une conférence de presse. Des propos repris à l’identique par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
« Cela marque la fin de Hong Kong tel que le monde l’a connu, a tweeté de son côté Joshua Wong, l’une des jeunes figures du mouvement pro-démocratie. Avec de vastes pouvoirs et une loi mal définie, la ville va se transformer en État policier. »
Le parti pro-démocratie Demosisto se dissout
Joshua Wong est aussi l’un des leaders de Demosisto. Fondé par des militants pro-démocratie suite au mouvement des parapluies en 2014, ce parti politique a annoncé dans la foulée ce mardi après-midi sa dissolution après l’adoption par le Parlement chinois de la loi sur la sécurité nationale. « À l’issue de nombreuses délibérations internes, nous avons décidé de nous dissoudre et de cesser toute activité en tant que groupe étant donné les circonstances », a indiqué Demosisto sur Twitter.
Cette dissolution découle de la démission groupée de Joshua Wong avec Nathan Law, Jeffrey Ngo et Agnes Chow, trois autres leaders emblématiques du parti. Tous quatre ont cependant affirmé qu’ils continueraient à militer à titre individuel. Joshua Wong et Nathan Law sont notamment candidats aux élections du Conseil législatif hongkongais en septembre.
Washington commence à priver Hong Kong de ses privilèges commerciaux
Ce lundi, le sort de Hong Kong avait une nouvelle fois fait l’objet de représailles entre les États-Unis et la Chine. Washington a annoncé la fin d’exportations d’armement à l’ex-colonie britannique après la mise en place de restrictions de visas par Pékin.
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Invoquant la « sécurité nationale des États-Unis », le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a décidé de mettre fin aux ventes d’équipement de défense sensible à Hong Kong pour éviter « qu’il tombe aux mains » de l’armée chinoise, « dont l’objectif premier est de préserver la dictature du Parti communiste chinois par tous les moyens nécessaire » selon lui.
Le gouvernement américain va aussi « prendre des mesures pour imposer, s’agissant de Hong Kong, les mêmes restrictions sur les technologies américaines de défense et à double usage civil ou militaire qu’il impose pour la Chine. Dès lors que Pékin considère Hong Kong comme « Un pays, un système », nous devons en faire de même », a estimé Mike Pompeo.
En réponse à Washington, Pékin a annoncé ce mardi des « représailles ». « Les États-Unis ne parviendront jamais à entraver les efforts de la Chine pour faire progresser la législation hongkongaise en matière de sécurité nationale », a souligné devant la presse Zhao Lijian, un porte-parole de la diplomatie chinoise.
(Avec AFP)