Grande America: comment la nappe d’hydrocarbures menace les côtes françaises

Une nappe d’hydrocarbures se dirige ce jeudi vers les côtes françaises après le naufrage du navire italien Grande America qui a sombré au large de La Rochelle. Le cargo naviguait avec des matières dangereuses et 2200 tonnes de fioul lourd dans ses soutes.
L’alerte à la pollution est lancée et une course contre la montre est engagée pour éviter une marée noire. Dimanche soir, un incendie s’est déclaré sur l’avant du navire de commerce Grande America. Si les 26 marins et le passager présents à bord ont pu être évacués sans incident, le feu n’a quant à lui pas pu être maîtrisé. La navire a fini par sombrer mardi après-midi avec à son bord plus de 2000 tonnes de fioul. Une nappe d’hydrocarbures a déjà été repérée en mer, un navire anti-pollution est parti de Brest ce jeudi matin et doit arriver à proximité du lieu du naufrage. Retour sur les différentes étapes de ce sinistre.
Les 27 personnes à bord saines et sauves
Un incendie s’est déclaré dimanche soir vers 20h00 à l’avant du cargo italien Grande America alors que le navire se trouvait à environ 263 kilomètres au sud-ouest de la pointe de Penmarc’h, au sud Finistère. Le navire hybride – entre un roulier et un porte-conteneurs d’une longueur de 214 mètres – venait de Hambourg, en Allemagne, et se dirigeait vers Casablanca, au Maroc. Le Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) d’Etel a été informé par le Maritime rescue coordination center (MRCC) de Rome de la situation à bord du navire de commerce.
Le commandant du cargo a dans un premier temps annoncé avoir maîtrisé le feu mais celui-ci a repris de plus belle sur plusieurs conteneurs. Peu après 02h00 du matin, le commandant a décidé d’abandonner le navire à bord d’une seule embarcation de sauvetage. Les 26 membres d’équipage et un passager ont pu ensuite être secourus par une frégate britannique déroutée sur zone. Ils sont sains et saufs.
Quatre jour plus tard, l’origine du sinistre demeure encore inconnue.
« Une quarantaine de conteneurs sont tombés à la mer avant le naufrage. La plupart d’entre-eux ont été fortement endommagés par l’incendie et ont vraisemblablement coulé », a précisé le préfet maritime.
Un incendie impossible à maîtriser
Lundi dans la matinée, une équipe d’intervention a mis en place son système de lutte anti-incendie pour tenter de contenir le feu. Pendant deux jours, les heures d’arrosage se sont révélées infructueuses, notamment en raison des vents forts qui ont attisé les flammes.
Le navire a finalement sombré mardi après-midi à 333 kilomètres à l’ouest de La Rochelle, ce qui risque de rendre les éventuelles opérations de pompage compliquées, a concédé le préfet maritime.
La bateau sombre à 333 km des côtes
« Le bateau a coulé à 15h26 par 4600 mètres de fond » en zone économique exclusive française, a précisé la préfecture maritime de l’Atlantique.
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Risques de pollution
Le navire italien Grande America transportait « 365 conteneurs, dont 45 répertoriés comme contenant des matières dangereuses » et 2200 tonnes de fioul lourd dans ses soutes. Il avait également à son bord un peu plus de 2000 véhicules.
L’éventuelle pollution qui pourrait être causée par ces produits « serait très localisée », a assuré le vice-amiral d’escadre. « La dilution dans l’espace océanique n’entraînerait pas de conséquences graves pour l’environnement », a-t-il ajouté, soulignant qu’une grande partie de ces produits avaient vraisemblablement déjà brûlé.
« Avec des vents d’ouest variant d’ouest-sud-ouest à ouest-nord-ouest, la zone impactée (par le fuel lourd, ndlr) serait la façade entre la Charente-Maritime et la Gironde dans plusieurs jours », a-t-il estimé.
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Une nappe d’hydrocarbures repérée
Une nappe d’hydrocarbures se dirige vers les côtes françaises après le naufrage du navire.
« Au cours du vol réalisé au-dessus de la zone de naufrage du Grande America par l’avion de patrouille maritime Atlantique 2 de la Marine nationale, une nappe d’hydrocarbures a été localisée », a indiqué mercredi soir la préfecture maritime dans un communiqué.
La nappe s’étend sur une dizaine de kilomètres de long et un kilomètre de large, « à plus de 200 kilomètres des côtes ». Ces observations aériennes ont été confirmées par le BSAA VN Sapeur, maintenu sur la zone du naufrage, selon la même source. La mer y est très forte, avec des vagues de quatre à six mètres.
« Selon nos prévisions, des fragments pourraient atteindre certaines zones des côtes de Nouvelle-Aquitaine d’ici dimanche ou lundi, du fait d’une météo particulièrement défavorable, qui risque par ailleurs de rendre plus délicates les opérations de dépollution en mer », a déclaré dans un communiqué dans la nuit le ministre de l’Ecologie, François de Rugy.
Pour le maire de La Rochelle, Jean-François Fountaine, le principal point d’inquiétude concerne « les cultures marines d’huîtres et de moules », explique-t-il ce jeudi matin au micro de BFMTV. L’édile se veut rassurant: « Il ne fat pas avoir d’affolement, la quantité de fioul n’a rien à voir avec ce que l’on a connu avec l’Erika il y a 20 ans. »
Plainte pour pollution et abandon de déchets
Pour l’association Robin des bois, le Grande America souffrait d’une mauvaise maintenance. « Le navire a été détenu en 2010 pour 35 déficiences dans le port de Tilbury au Royaume-Uni », a assuré l’association écologiste ajoutant que depuis, « d’autres déficiences sont régulièrement relevées par les inspecteurs de sécurité maritime à Hambourg et à Anvers ».
L’association entend porter plainte pour pollution et abandon de déchets auprès du tribunal de grande instance de Brest. « 2000 véhicules, c’est une casse automobile au fond de la mer représentant des centaines de tonnes de matières toxiques dans une zone très riche en poissons, plancton et mammifères marins », s’est insurgé auprès Jacky Bonnemains, porte-parole de l’ONG, disant craindre aussi une éventuelle pollution du littoral.
Le procureur de la République a ouvert une enquête, et l’armateur a été mis en demeure de « prendre toutes les mesures nécessaires pour concourir à la lutte contre les pollutions », précise par ailleurs M. de Rugy dans son communiqué.