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Entretien exclusif : Alexandre Benalla livre ses vérités

Plus d’une semaine après les révélations du « Monde », l’ex-chargé de mission de l’Elysée a accepté de répondre longuement à nos questions.

Pour la première fois depuis le déclenchement de l’affaire qui porte son nom, Alexandre Benalla parle. Barbe rasée pour ne pas être importuné, l’ancien chargé de mission de l’Elysée, accusé d’avoir molesté deux manifestants en marge des manifestations du 1er Mai, a accepté de répondre longuement aux questions du Monde.

L’entretien, que nous n’avons pas fait relire, s’est déroulé à Paris, mercredi 25 juillet, au domicile de Marc Francelet, un ancien journaliste reconverti dans les affaires, qui se présente aujourd’hui comme « communicant ». Lors de la séance photo, réalisée en fin de journée, est apparue Michèle Marchand, figure de la presse people et très proche du couple Macron. Preuve que dans la tempête, M. Benalla n’est pas un homme seul.

Estimez-vous avoir « trahi et déçu » Emmanuel Macron ? Ce sont ses mots…

Ce sont des déclarations que je comprends. Parce que s’il y a un problème autour du président de la République, il ne doit pas être provoqué par un collaborateur. C’est quelqu’un qui avait — et qui a toujours, je pense — confiance en moi, dans mon action au quotidien. Mais au vu de ce que cette histoire a déclenché, je ne vois pas quels autres termes il aurait pu employer pour qualifier la situation. Donc, forcément qu’il y a de la déception, forcément qu’il doit y avoir un sentiment de trahison…

Avez-vous le sentiment de l’avoir trahi ?

Moi, je n’ai pas le sentiment d’avoir trahi le président de la République, j’ai le sentiment d’avoir fait une grosse bêtise. Et d’avoir commis une faute. Mais cette faute, elle est plus d’un point de vue politique : je n’aurais jamais dû aller sur cette manifestation en tant qu’observateur, puis j’aurais, peut-être, dû rester en retrait.

Reprenons du début. Comment apparaissez-vous dans l’entourage de M. Macron ?

Au départ, à l’été 2016, un copain m’appelle et me dit : « Alexandre, Emmanuel…

Dans une longue interview, publiée par Le Monde, Alexandre Benalla donne sa version des faits. Quitte à contredire d’autres acteurs de l’affaire.

Dans une interview publiée ce jeudi sur le site du journal Le Monde, Alexandre Benalla sort du silence et répond point par point aux éléments qui lui sont reprochés. Une prise de parole offensive et très contrôlée, qui laisse de nombreuses zones d’ombre, et dont le but principal est de régler des comptes avec l’appareil policier, avec qui Benalla reconnaît avoir été en conflit. Décryptage.

L’invitation du 1er mai : le grand flic défend son honneur

Dans son interview au « Monde », Alexandre Benalla accuse Alain Gibelin, le directeur de l’ordre public et de la circulation (DOPC) de la préfecture de police de Paris (PP), d’avoir menti. Le chargé de mission assure que, lors d’un déjeuner organisé peu de temps avant la Fête du travail, ce dernier lui a demandé s’il venait « toujours le 1er mai » et s’il avait « reçu l’équipement ». Un aparté auquel le Général Eric Bio-Farina, le commandant militaire de l’Elysée, présent à ce déjeuner, avait également fait référence lors de son audition.

Or, réinterrogé jeudi, Alain Gibelin a une nouvelle fois assuré qu’il n’avait en aucun cas officiellement invité le bouillonnant chargé de mission à assister en tant qu’observateur aux manifestations. « A aucun moment la date du 1er mai n’a été spécifiquement fléchée. La discussion était d’ordre générale », a martelé le grand flic qui a défendu avec émotion son « honneur ».

Dans l’entourage d’Alain Gibelin, on juge les déclarations de Benalla « indignes, pathétiques et surtout mensongères ». Réinterrogé lui aussi, le préfet de police Michel Delpuech a rappelé cette évidence : l’accueil d’Alexandre Benalla pour une mission d’observation était « tout à fait normal ». « C’est le comportement de l’observateur qui est une faute », a souligné le haut fonctionnaire.

Des violences contestées, mais des blessures constatées

« Il n’y a aucun coup. » Alexandre Benalla conteste avoir commis des violences à l’encontre du jeune homme qu’il revendique avoir « interpellé » (sic) place de la Contrescarpe. Tout au plus admet-il un geste « vigoureux » qu’il compare au geste qu’il a pratiqué vis-à-vis du chef de l’Etat lorsqu’il a reçu un œuf au salon de l’agriculture.

Pourtant, comme l’indique Me Sahand Saber, l’avocat de ce garçon de 29 ans, ce dernier s’est vu prescrire un arrêt de travail de 6 jours le 11 mai. Le médecin a relevé des traces de coup sur la poitrine et une raideur cervicale. Le 14 mai, il s’est vu prescrire des anti-inflammatoires.

Surtout, dès qu’il a eu connaissance de la vidéo au contenu pour le moins explicite, le parquet de Paris a ouvert une enquête pour « violences en réunion ». Un chef pour lequel Alexandre Benalla a d’ailleurs été mis en examen par un juge d’instruction.

Une proximité revendiquée avec le ministre de l’Intérieur

Lors de son audition lundi devant la commission des lois de l’assemblée nationale, Gérard Collomb a assuré qu’il ne « connaissait pas » le chargé de mission. « J’avais déjà rencontré M. Benalla […] Je croyais que c’était quelqu’un qui faisait partie des services de police. J’ignorais sa qualité de conseiller du Président de la République. »

Or, dans son interview, le collaborateur d’Emmanuel Macron révèle que l’hôte de la Place Beauvau le tutoie. « Ça va ? Qu’est-ce que tu fais là », lui aurait lancé le ministre en l’apercevant le soir du 1er mai à la salle de commandement de la PP. « Gérard Collomb m’identifie visuellement, il sait que je travaille à la Présidence de la République », revendique surtout le chargé de mission.

Avant de s’efforcer de le dédouaner aussitôt : « Il pense que ce n’est pas sa connerie à lui, tout le monde est en train de l’attaquer, il fait des réponses maladroites. » Ces propos sont malgré tout embarrassants pour le ministre de l’Intérieur qui avait pris soin de se démarquer du sulfureux conseiller.

Le port d’arme

« On n’est pas mabouls, il y a un risque pour la réputation du candidat », soutient Benalla pour justifier l’obtention d’un port d’arme, obtenue après plusieurs tentatives. Une version démentie par le photographe Fabien Klotchkoff, comme le révélait Le Parisien le 19 juillet.

Ce paparazzi affirme que le 26 novembre 2016, Alexandre Benalla lui a confié avoir caché une arme sous la selle de son scooter. Ce jour-là le photographe escorte le futur président qui va commenter à France 2 sa candidature. Un des pneus de son véhicule crève. Benalla se fait alors secourir par Fabien Klotchkoff et un autre photographe vers une station-service située à proximité de France Télévisions.

« Benalla nous a expliqué que sa demande d’autorisation de port d’arme était en cours et qu’il évitait de la porter sur lui. » Finalement l’agent de sécurité a obtenu une autorisation de la préfecture de police de détenir des Glock 17, mais dans le QG uniquement. « Si le préfet de police a accordé l’autorisation, c’est qu’il estimait bien, qu’il y avait une menace. »

Pourtant par trois fois le ministère de l’Intérieur avait refusé à Alexandre Benalla une autorisation de port d’arme, en 2013 et en janvier 2017 sous les deux prédécesseurs de Gérard Collomb, puis en juin 2017. Selon l’hôte de la place Beauvau, Alexandre Benalla ne remplissait pas les conditions requises : l’exposition à des risques exceptionnels d’atteinte à sa vie.

C’est finalement à la demande de l’Élysée, par arrêté du préfet de police du 13 octobre 2017, que le chargé de mission de l’Élysée s’est vu délivrer la fameuse autorisation sur un autre fondement du Code de la sécurité intérieure. Et ceci sans que le cabinet du ministre de l’Intérieur en soit informé.

Source: Leparisien avec Lemonde.fr Auteur de l’interview

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