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COUR CONSTITUTIONNELLE DE GUINEE : que fera Alpha Condé ?

Les protestations (il est vrai) essentiellement dans les médias et sur les réseaux sociaux n’y ont rien pu. L’indignation quasi-unanime des juristes du pays non plus. Les conseillers frondeurs de la Cour constitutionnelle sont passés outre toutes les mises en garde. Mettant à exécution leur menace, ils ont ainsi élu hier leur nouveau président, consolidant au passage la logique du fait accompli. Et dans leur progression effrénée, ils ne pourraient plus être stoppés que par le président de la République. Seul lui pourrait, s’il le souhaite, invalider l’élection de celui prétend remplacer Kéléfa Sall. Mais le fera-t-il? La question reste posée.

Il faut bien le reconnaître. Les choses sont en passe d’échapper aux adversaires des conseillers frondeurs. Pour ceux qui militent pour le retour de Kéléfa Sall à son poste de président, la situation est d’autant plus désespérée qu’Alpha Condé reste l’ultime espoir du retour à la normale. Le président de la République qui a une conception plutôt flexible du respect de loi et des principes. Si on ajoute à tout cela toutes les suspicions qui ramènent les origines de la crise à la Cour au même chef de l’Etat, on est en droit d’admettre qu’il n’y a rien de rassurant en perspective. La probabilité est même très grande pour que le président de la République, comme il l’a fait récemment avec l’Institution nationale indépendante des droits humains (INIDH), entérine l’élection de Mohamed Lamine Bangoura. Et que par la même occasion, la page de Kéléfa Sall soit définitivement tournée. A l’occasion, il savourerait sa revanche sur celui qui s’était naïvement payé l’audace de le sermonner lors de la cérémonie de prestation de serment en décembre 2015.

Toutefois, les velléités de destitution de Kéléfa Sall ont été accompagnées d’un tollé si retentissant que le président de la République pourrait en tenir en compte. Parce qu’en ignorant toutes les protestations qui se sont exprimées, il conforterait un peu plus ceux qui le désignent comme celui qui tire les ficelles de la crise. Il renforcerait de même ceux qui le soupçonnent de travailler dans le sens du troisième mandat. Bref, en faisant dans le déni, il dévoilerait un peu plus ses cartes et braquerait par la même occasion les Guinéens contre lui. Or, Alpha Condé est suffisamment intelligent pour savoir qu’entre deux maux, il faut choisir le moindre. Il est donc possible qu’il prenne en compte la clameur publique. Surtout si comme l’annonce l’opposition et la société civile, il y a dans les prochains jours, une mobilisation plus importante de la rue. C’est un argument auquel le chef de l’Etat est particulièrement sensible. Pourtant, il ne faudra pas s’attendre à ce qu’Alpha Condé fasse toutes les concessions. Par exemple, il y a très peu de chance qu’il fasse le choix qui favoriserait le retour de Kéléfa Sall à son poste de président. Il peut à propos invoquer le fait qu’entre l’ex-président de la Cour et les autres conseillers, une réconciliation n’est plus possible. Quoi que la HAC nous a démontré le contraire.

Aussi, en dehors de la confirmation de l’élection de Mohamed Lamine Bangoura, deux autres options s’offrent à Alpha Condé. Tout d’abord, la remise à plat de l’institution. Autrement, renvoyer tous les membres actuels, en partant du fait qu’ils se sont tous discrédités et qu’ils sont indignes de la confiance placée en chacun d’eux et de la responsabilité qu’on est en droit d’attendre de tous. Ce choix-là, sous réserve qu’il soit prévu par les textes, sera plus ou moins perçu par l’opinion comme une victoire personnelle d’Alpha Condé. « Il a fini par avoir la tête de Kéléfa Sall« , pourrait-on entendre. Mais il sera très difficile de s’y opposer avec des arguments qui vaillent. L’autre option, c’est le maintien du statu quo actuel. Ne rien faire et laisser l’institution mourir de ses propres turpitudes. La motivation principale du choix de cette alternative sera que personne ne reprochera au président de la République de s’être ingéré dans les affaires d’une institution constitutionnelle. De fait, le parti pris n’existera pas, en tant que tel. Mais le résultat sera que l’institution sera inopérante. Une perspective qui n’est pas de nature à troubler le sommeil d’Alpha Condé.

Boubacar Sanso BARRY

Ledjely

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