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Soudan: manifestation massive à Khartoum contre l’armée, la police tire du gaz lacrymogène

La police soudanaise a tiré dimanche 19 décembre des grenades lacrymogènes à Khartoum pour disperser les dizaines de milliers de manifestants descendus dans la rue pour s’opposer à l’armée, au pouvoir depuis le coup d’État militaire du 25 octobre. Bilan : plus de 200 blessés, une femme violée, de nombreuses arrestations. Et de la détermination à continuer de protester.

La situation était chaotique dans le centre de Khartoum ce dimanche. La police anti-émeute a été déployée aux principaux carrefours de la capitale, tandis que les autorités soudanaises ont fermé toutes les routes entourant le quartier général de l’armée avec des barbelés et des blocs de béton.

Ambiance festive alors que la foule atteint le palais de la présidence

Le 19 décembre au Soudan est une date hautement symbolique qui célèbre le troisième anniversaire du début de la révolution qui a renversé Omar el-Béchir après 30 ans de dictature. C’était aussi, ce dimanche, la neuvième marche du million annoncée contre le coup d’État militaire du 25 octobre mené par le général Abdel Fattah al-Burhan.

Les manifestants, venus de tous les quartiers, réussissent d’abord à traverser les ponts qui enjambent le Nil, faisant reculer les militaires déployés. Beaucoup brandissent des portraits de martyrs, les 45 personnes tuées au cours des différentes manifestations qui ont lieu depuis le coup d’État d’octobre.

La police se retire et la foule débarque devant les portes du palais présidentiel. L’ambiance est alors festive. « C’est la preuve que le peuple soudanais est plus fort, assure un homme. Nous pouvons faire tomber ce régime comme nous avons fait tombé celui qui le précède. C’est aussi une preuve que la répression ne nous arrête pas. C’est une preuve pour le monde entier. Ils doivent respecter la volonté du peuple. Nous, les Soudanais, on ne se laissera pas gouverner par qui que se soit qui ne représente pas la volonté du peuple. »

Pendant plusieurs heures, les manifestants y croient. Ils réclament la chute du général Al-Burhan et du Conseil de souveraineté.

« Pas de négociation, pas de partenariat, pas de compromis avec la junte »

Mais la joie fut de courte durée. En quelques minutes, les forces de la répression contre-attaque. L’air est saturé de gaz lacrymogène.

Une femme reprend sa respiration dans une rue adjacente : « Ils tuent nos enfants et nous frappent. Burhane [général, chef du Conseil souverain, NDLR] , Hemetti [général, numéro 2 du régime], Kabashi [général, porte-parole] sont des bandits et Hamdok [Premier ministre, civil] est dans leur camp. Le pouvoir militaire doit chuter. Nous voulons être gouvernés par une personnalité consciencieuse. Nous voulons un pouvoir 100% civil. Pas de négociation, pas de partenariat, pas de compromis avec la junte. »

Les tirs à balles en caoutchouc et réelles sifflent dans tous les sens. Il y a des bousculades. Des unités de la police, de l’armée et des Forces de soutien rapide se lancent aux trousses des protestataires dans les rues du centre-ville.

Les comités de résistance qui avaient appelé à l’organisation d’un sit-in pacifique devant le palais font machine arrière et demandent aux cortèges de se disperser pour éviter un bain de sang. La foule recule, mais repart aussitôt de l’avant. Les manifestants le disent : ils n’ont plus peur de rien.

Message à la communauté internationale

Les nombreux blessés sont évacués à moto ou sur des brancards de fortune. Plus de 200 sont recueillis dans les hôpitaux.

Une femme a été violée par un homme en uniforme.

De nombreuses arrestations ont par ailleurs été recensées jusque tard dans la soirée, même après que les comité de résistance avaient appelé les civils à rentrer dans leurs quartiers. Sur les murs de Khartoum, certains traçaient déjà à l’aérosol la date de la prochaine manifestation contre la junte militaire. Les pro-démocratie se donnent rendez-vous dans les rues le 25 décembre. La mobilisation ne s’essouffle pas et ne s’essoufflera pas, disent les manifestants, tant que le pouvoir ne sera pas 100% civil.

Beaucoup souhaitent faire passer ce message à la communauté internationale qui soutient aujourd’hui l’accord signé par le Premier ministre Abdallah Hamdok et la junte militaire.

Libreopinionguinee avec RFI

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