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Confronté à la colère de la rue : Le pouvoir file un mauvais coton

Ce lundi, l’opposition a procédé à l’enterrement des quatre manifestants tués lors des récentes émeutes qui ont éclaté dans la capitale. Une cérémonie funèbre qui marque le début d’une série de manifestations qui va s’étendre jusqu’au jeudi, contre les résultats des élections locales, que les opposants rejettent. Comme pour dire que le gouvernement n’aura pas de répit, après la fin de la grève du syndicat libre des enseignants et chercheurs de Guinée (Slecg), qui avait paralysé durant un mois le système éducatif guinéen, et provoqué des soulèvements populaires, dans la capitale et dans certaines préfectures intérieures.

Après la fin de la grève du syndicat libre des enseignants et chercheurs de Guinée (Slecg) au terme d’un accord obtenu au forceps, le gouvernement va devoir dorénavant concentrer ses efforts sur la gestion de la crise postélectorale.

Une crise née du rejet des résultats des élections locales, dans plusieurs localités du pays par l’opposition, qui pointe du doigt des irrégularités. Si à un moment donné la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) avait donné de l’espoir aux opposants, en les invitant à déposer à son niveau, les recours qu’ils portaient contre le déroulement du vote, l’institution a aussitôt fait volteface. En se disant être dans l’incapacité de modifier les résultats qui ont été déjà proclamés.

Ce qui n’a fait que nourrir le ressentiment de Cellou Dalein Diallo et ses pairs vis-à-vis du pouvoir exécutif, qu’ils tiennent pour principal responsable des couacs enregistrés lors du vote.

Surtout que l’administration publique avait en quelque sorte pris le processus électoral en otage, en se substituant par endroit à la Ceni, à travers le déploiement massif des fonctionnaires dans les préfectures intérieures.

Ce triste constat avait été dressé par la société civile, qui avait nommément cité des ministres de la république, vus en train de manipuler des urnes, le jour du scrutin du 4 février.

Faute donc d’avoir obtenu gain de cause auprès de la Ceni, l’opposition compte se faire entendre par la rue. C’est dans cette optique qu’elle a déroulé son calendrier de manifestations, qui a débuté par une marche funèbre ce lundi.

Une marche qui sera suivie d’une journée ‘’ville morte’’ ce mardi.

Puis le lendemain mercredi, ce sera le tour des femmes de l’opposition et de la société civile, de faire un sit-in devant le ministère de la Justice, pour réclamer la lumière sur les 94 personnes tuées lors des manifestations des opposants, depuis l’avènement d’Alpha Condé au pouvoir, il y a 8 ans.

Le clou de cette série de manifestations sera marqué par une marche pacifique prévue le jeudi, sur l’autoroute Fidèle Castro.

Ce bras de fer entre le gouvernement et l’opposition a été envenimé par la récente sortie du parquet de Conakry, qui tente de défendre les forces de sécurité contre les allégations selon lesquelles, ce sont elles qui seraient les responsables de ce décompte macabre.

C’est ainsi qu’on a vu le procureur de la république près le Tribunal de première instance de Dixinn, Sidy Souleymane N’Diaye, faire porter « le chapeau » de la plupart de ces assassinats à un certain Boubacar Diallo alias « grenade ».

Cet individu qui ne serait en réalité qu’une  petite frappe, a été présenté comme étant un militant du principal parti d’opposition. Donc un « bras armé » de l’Ufdg.

Des photos prises en compagnie de l’épouse de Cellou Dalein Diallo et certains cadres du parti, et mises à la disposition de la presse par le parquet confortent dans cette thèse, tirée par les cheveux.

D’ailleurs, l’Ufdg n’a pas tardé à réfuter ces allégations. En qualifiant cela de ‘’scénario de diversion’’. Allant jusqu’à dénoncer une certaine collision entre le procureur du Tribunal de première instance de Dixinn et le palais Sekhoutouréa.

Le parti de Cellou Dalein Diallo s’est dans la foulée, fendu d’une déclaration, appelant à la mise en place d’une commission internationale pour faire la lumière sur ‘’les quatre-vingt-quatorze (94) assassinats commis lors des marches pacifiques qui ont eu lieu depuis 2011, en vue de démasquer les commanditaires de ces massacres et d’y mettre fin.’’

Ajoutant que ‘’la paix sociale est à ce prix.’’

Face à cette épreuve de force qui se durcit, le ministre de l’Administration du territoire et de la décentralisation, Bouréma Condé risque de rajouter de l’huile sur le feu. A travers une déclaration faite dans la soirée du dimanche, sur les antennes de la télévision d’état, il met en garde contre toute démarche consistant à organiser des manifestations, sans en avoir au préalable obtenu l’autorisation. Faisant ainsi allusion à la manifestation de l’opposition qui projette de prendre la rue le jeudi.

‘’La manifestation, c’est le droit de tout citoyen guinéen, des formations politiques, des associations, des ONG, c’est un droit incontestable, a reconnu le ministre de l’Administration du territoire et de la décentralisation. Mais aussi faut-il savoir que ce droit est cadré. Il y a les préalables dont il faut s’acquitter en bon citoyen, pour pouvoir procéder à la marche, à la manifestation et à la réunion, entre autre, selon lui.’’

Invoquant au passage les termes de l’article 621, du nouveau code pénal qui dispose que : ‘’doit faire l’objet d’une déclaration préalable, toute réunion publique, tout cortège et défilé et d’une façon générale toute manifestation sur les lieux et voies publics.’’

Ladite déclaration doit être adressée aux maires des communes urbaines et rurales trois jours francs au moins ou quinze jours au plus, avant la date prévue par les organisateurs.

Bouréma Condé prévient que ‘’toute marche qui, à partir de maintenant n’obéit pas à cette procédure qui vient d’être clairement définie, sera simplement interdite.’’

Le président de l’Inidh tire la sonnette d’alarme

Ce climat délétère qui prévaut dans la cité, préoccupe certaines institutions républicaines. C’est le cas de l’Institution nationale indépendante des droits humains (Inidh), dont le président Dr Mamady Kaba, a solennellement exhorté le président de la République ‘’à tendre, de toute urgence, une main fraternelle au chef de file de l’opposition pour échanger sur la mise en œuvre d’un cadre de dialogue’’.

Dr Kaba a aussi appelé le chef de l’opposition ‘’à saisir la main tendue du président de la République, afin de sortir de la crise.’’

Dans sa déclaration, « l’Inidh condamne la mort par balles de trois jeunes manifestants, de plusieurs blessés par balles dont trois gendarmes et deux policiers ainsi que des dégâts matériels importants.

Elle se dit préoccupée par l’exacerbation des tensions ethniques ainsi que des appels à la haine et à la violence lancés sur les réseaux sociaux. »

Pour finir, le président de l’Indh a plaidé pour l’équité et la justice pour tous les Guinéens.

Le cri du cœur de la société civile 

La société civile guinéenne a aussi lancé un cri du cœur en faveur de la décrispation de la tension. Face à ‘’l’escalade de violences qui prévaut à Conakry ; en signe de protestation contre les résultats des élections communales du 04 février 2018, elle demande l’arrêt immédiat des manifestations, des contre manifestations et des répressions pour permettre à la société civile de poursuivre les consultations en vue d’apporter des solutions pour la sortie de crises.’’

Elle recommande ‘’la mise en place dans l’immédiat par la société civile d’un Comité d’experts issu des organisations de la société civile et d’autres personnes ressources indépendantes pour écouter, examiner et trouver des pistes de solutions aux manquements’’.

La mise en place d’un « observatoire national sur les violences et le dialogue en Guinée » qui sera composé d’experts en médecine, droits de l’Homme, analyse des conflits, sociologie… avec  pour rôle ‘’de veiller sur l’organisation et la sécurisation des marches et manifestations pour prévenir les violences et le suivi de la mise en œuvre des engagements issus des négociations politiques et sociales afin d’éviter les crises en répétition’’, figure également au nombre des recommandations de la société civile guinéenne.

En attendant de savoir comment le président Alpha Condé va se tirer de cette pétaudière, il  faut reconnaître que le gouvernement vit dorénavant sur le fil du rasoir.

Le Démocrate

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