Affaire Bolloré, insécurité, complot et phobie de coup d’Etat Dalein Diallo met le doigt sur la plaie

Accusé d’être actionnaire dans Getma international, la société qui a été dépossédée de la gestion du port de Conakry en 2011 au profit de «l’ami Bolloré», le chef de file de l’opposition estime que son nom n’apparait dans cette affaire que pour noyer le poisson. Une façon, selon l’ancien ministre des Transports, de désorienter l’opinion de la réalité. Cellou Dalein Diallo livre sa version des faits non sans faire de nouvelles révélations. «Je n’ai jamais rencontré Soumah du Slecg», souligne-t-il, en réaction à la sortie polémiste d’Alpha Condé, hanté par la phobie de coup d’Etat. Explications.
L ’opposant Dalein Diallo déclare qu’à un moment donné, le régime Alpha Condé, éclaboussé par le scandale, a voulu «déplacer le débat» pour tromper l’opinion publique. «Cette attribution du marché à Bolloré a été assumée par Alpha Condé. Il a dit dans une interview au journal Le Monde que Bolloré, c’est son ami et qu’il privilégie ses amis. Il n’y a rien de plus clair», place Dalein Diallo au cours d’une conférence tenue jeudi 10 mai 2018 à la Maison de la presse à Conakry. Des excuses auprès du fils d’Alpha Condé Depuis 2011, révèle le leader du principal parti d’opposition, le chef de l’Etat attribue les marchés publics à ses amis sans appels à la concurrence.«J’en ai dénoncé beaucoup. J’ai parlé d’Asperbras, un marché de 144 millions de dollars US. Alors qu’un appel d’offres était fait et le dépouillement en cours. Le président de la République a interrompu ce dépouillement et a imposé Asperbras. J’avais dit à l’époque que l’entreprise a été introduite par son fils. Papa Koly a dit que ce n’était pas son fils, mais c’était le président Denis Sassou-Nguesso. Je m’excuse auprès du fils puisque Papa Koly était acteur. C’est donc l’ami Sassou qui a proposé que ça soit Asperbras. Alors qu’Asperbras a proposé une offre beaucoup plus moins que les autres offres. C’était 144 millions pour un délai d’exécution de 6 mois. C’est deux ans et demi après qu’ils ont annulé le contrat qui n’était pas exécuté, alors que l’argent était payé». Aux dires de l’opposant Diallo, les travaux publics et l’électricité sont les deux secteurs où les marchés de gré à gré sont les plus éloquents. Et où «il y a des projets Kissidougou-Kankan, la réhabilitation de Kouroussa-Kankan et KankanMandiana. Il y a aussi K-Energie, la Guinéenne d’énergie. Et aujourd’hui, la production thermique d’électricité est distribuée entre des amis du président sans appels à la concurrence. Ce n’est pas Edg qui produit l’énergie thermique qui est consommée pendant la saison sèche. L’économie est au service des amis du président. Tous les grands marchés publics, ce sont des marchés de gré à gré. La Banque Mondiale a fait l’audit des marchés publics : 91% de ces marchés sur l’échantillon étaient attribués par entente directe, sans appel d’offres, aux amis du président. Donc, c’est une pratique qui continue». Contrairement aux «fausses informations» distillées par ses détracteurs, le chef de file de l’opposition souligne n’avoir d’intérêts ni avec Bolloré, ni avec Getma. «Maintenant, on accré- dite l’idée que j’ai des actions à Getma et que j’aurais même contribué à favoriser cette société. Comment est-ce possible? J’ai quitté le gouvernement en avril 2006. L’appel d’offres pour l’attribution du terminal à conteneurs, c’est en 2008. Comment, étant à l’exté- rieur, ou même étant en Guinée, je peux influencer l’attribution du marché à Getma international?», interroge-t-il. Bouc-émissaire L’ancien Premier ministre comprend que derrière les accusations dont il fait l’objet, se cache une stratégie du régime Alpha Condé pour le déstabiliser. «C’est une maniè- re de déplacer le débat, le mettre ailleurs et non là où il y a la plaie. Sinon, on ne peut pas dire que Cellou Dalein en est pour quelque chose aussi bien dans l’attribution du marché que dans son retrait pour son attribution par la suite à M. Bolloré. Je n’ai rien fait. Getma international est une société de droit français constituée en France. Getma Guinée qui est la propriété de Jean Jacques Grenier, c’est ici. Il faut vérifier. Je n’ai aucune participation dans ça. Je n’ai joué aucun rôle ni dans l’attribution, ni dans l’annulation. Mais lorsque les gens sont coincés, eh bien, il faut trouver les moyens de déplacer le débat !», recadre l’opposant Dalein Diallo. Malheureusement, l’enquête parlementaire tant voulue par l’opposition n’a pas la chance de prospérer. Et pour cause? «C’est une majorité simple qui permet de prendre la résolution pour mettre en place une commission d’enquête parlementaire. Depuis le début, on essaie de le faire, mais on est toujours bloqué par la mouvance. Ils ne veulent jamais qu’il y ait une commission d’enquête parlementaire parce que les marchés de gré à gré, surfacturés, sont accordés aux amis du président», dénonce Diallo. Phobie de coup d’Etat Alpha Condé a déclaré samedi 5 mai 2018 que la grève des enseignants avait pour vocation de renverser son régime avec la complicité d’acteurs sociaux et politiques. Mais Cellou Dalein Diallo ne semble pas voir dans la même direction que le chef de l’Etat. Il l’explique: «Je ne vois pas la complicité possible entre le Slecg, la Pcud et l’Ufdg. Je vous dis qu’on a sorti une photo de M. Aboubacar Soumah du Slecg et de Cellou Dalein. Mais moi, je n’ai jamais rencontré cet homme. C’est comme lorsque quelqu’un a dit que le colonel Barry, porte-parole de la gendarmerie, était chez moi. Je le connais de vue, mais je ne lui ai jamais serré la main». Le chef de file de l’opposition précise que la simultanéité des manifestations politiques et sociales n’est pas le fruit d’une connivence quelconque. «Après les élections, lorsqu’on s’est rendu compte qu’on nousa volé nos suffrages, on a voulu qu’on nous les restitue. C’est pour cela qu’on a organisé des manifestations. Et lorsqu’on a dit: ‘‘arrêtez les manifestations, la Ceni va regarder vos pièces à conviction; si elles sont fondées, on va vous rétablir dans vos droits’’, on a arrêté. Lorsqu’on a annulé cette procédure, on a repris les manifestations. Quand le président a dit : ‘‘venez me voir, on va trouver une solution’’, on a arrêté les manifestations. Cela n’a rien à voir avec les revendications du Syndicat ou les revendications de la Pcud. Il n’y a pas de complot. Nous, nous parlons de 2020. On veut être élu. On n’a jamais suscité un coup d’Etat. Jusqu’à présent, on n’a pas demandé le départ du président à l’occasion d’une marche. On ne le fera que lorsqu’il demandera la modification de la Constitution. Nous sommes des républicains». Selon Cellou Dalein Diallo, l’Etat guinéen a failli à sa mission de protéger sa population, faisant ainsi référence à l’assassinat de l’opérateur économique Elhadj Doura Diallo. «C’est de la responsabilité du pouvoir d’assurer la sécurité des citoyens. Si l’insécurité persiste, c’est que le pouvoir ne s’est suffisamment pas organisé pour assurer la protection des citoyens. Le kidnapping est devenu une forme d’insécurité, mais le recours du citoyen, c’est l’Etat. Nous avons élu un président de la République. Nous avons donné le droit de lever des impôts, d’organiser notre sécurité, d’assurer l’intégrité de nos frontières, ainsi que la sécurité des citoyens. S’il n’arrive pas à assumer ses responsabilités, il doit répondre. Malheureusement ici, il n’y a pas de Haute cour de justice. Les ministres et le président de la République ne peuvent pas être interpellés», s’indigne-til. Par Abdoul Malick
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