Afghanistan: chaos, confusion et panique à l’aéroport et dans Kaboul
L’Afghanistan s’est réveillé ce lundi 16 août aux mains des talibans, au lendemain de la prise de Kaboul. Le président Ghani, qui a quitté le pays, a reconnu la victoire des rebelles et ces derniers contrôlent son palais. L’entrée des talibans dans la capitale a poussé de très nombreux habitants à tenter de fuir la ville par le dernier point de sortie pas encore sous contrôle des insurgés : l’aéroport. Sur place, il pourrait y avoir des morts.
• L’ambassadeur de Russie à Kaboul rencontrera le coordinateur pour la sécurité des talibans demain, mardi 17 août
• Les ministres des Affaires étrangères des pays de l’UE tiendront également mardi une réunion par visioconférence
• Plus aucun avion commercial ne décollera de la capitale afghane jusqu’à nouvel ordre, les militaires contrôlent les pistes
• Des images qu’il conviendra d’authentifier montrent que des personnes pourraient avoir perdu la vie à l’aéroport
L’espace aérien afghan est désormais l’affaire des militaires. Par exemple ceux de la Bundeswehr, l’armée allemande. Tous les vols civils sont appelés à dérouter pour contourner le ciel du pays, faute de contrôle sur leur sécurité. C’est l’Autorité afghane de l’aviation civile (ACAA) qui le demande. Lufthansa, premier groupe aérien européen, mais aussi Air France, ont annoncé qu’ils éviteraient « jusqu’à nouvel ordre » le survol de l’Afghanistan. British Airways et Virgin Atlantic ont pris la même décision.
La situation au sol, à l’aéroport international de Kaboul, est chaotique ce lundi. C’est le sauve-qui-peut, rapporte notre correspondante dans la capitale afghane, Sonia Ghezali. Les agences de presse relatent que les forces américaines ont tiré en l’air face à une foule très importante massée sur le tarmac. Selon l’agence Reuters, il s’agissait d’empêcher que des Afghans en panique montent à bord d’appareils destinés à évacuer des Américains. Il pourrait y avoir déjà des morts, dans cet aéroport.
Des images non vérifiées, mais publiées sur les réseaux sociaux, montrent en effet trois corps allongés au sol, sans que l’on sache si ces personnes auraient été tuées par des tirs ou victimes de bousculades. Une vidéo, postée à la mi-journée, heure de Paris, témoigne d’une atmosphère proprement surréaliste : on y voit un C17 de l’US Air Force roulant sur la piste, entouré de centaines de personnes qui lui courent après. Certaines sont même accrochées à la carlingue. Une autre vidéo, tragique, montre l’avion au décollage : une silhouette se détache de l’appareil et tombe dans le vide…
Il n’y aurait pas d’affrontements directs avec les talibans, mais les nombreux témoignages sur les réseaux sociaux attestent en revanche de la totale désorganisation qui règne à l’aéroport Hamid-Karzaï, transformé en pont aérien international. On voit de nombreuses personnes tenter de gravir les escaliers menant vers un avion. Sur le tarmac, on voit une foule d’appareils militaires, essentiellement américains, qui mènent l’évacuation au pas de charge. Plus aucun vol civil ne décolle jusqu’à nouvel ordre.
Notre correspondante à Berlin, Delphine Nerbollier, relate qu’avant l’arrivée de deux avions militaires allemands à Kaboul, 50 employés de l’ambassade avaient déjà quitté l’Afghanistan via les Émirats arabes unis grâce aux forces américaines. Le reste des citoyens allemands et afghans ayant travaillé avec Berlin ces dernières années passeront par l’Ouzbékistan pour rejoindre ensuite l’Allemagne en charter civil.
On estimait, aux dernières nouvelles, à moins d’une centaine le nombre des citoyens allemands encore présents à Kaboul. Il y aurait 2 000 Afghans encore sur place et qui ont aidé l’Allemagne ces dernières années. Sans oublier leur famille, ainsi que des militants des droits de l’Homme que Berlin souhaite aider à faire venir en Europe. Ce lundi, la chancelière Angela Merkel a évoqué le chiffre d’au plus 10 000 personnes à faire sortir. Plusieurs centaines de soldats allemands pourraient être déployés.
L’aéroport accueille aussi de nombreuses ambassades étrangères, qui s’y sont repliées dans l’attente d’une évacuation de leurs personnels, comme ceux de l’antenne des États-Unis précisément, dont le drapeau a été enlevé ce lundi matin. Dans Kaboul, la panique semble s’être emparée de la ville dès dimanche soir, avec des files d’attentes devant les banques – puisque les Afghans cherchent à emporter de l’argent pour partir –, des magasins fermés et des policiers retirant leur uniforme à la hâte.
Les autorités aéroportuaires ont demandé aux citoyens de ne plus venir à l’aéroport, débordé depuis dimanche soir aussi, après l’annonce de l’entrée des talibans dans la ville et la fuite du président Ghani. Les civils qui tentent désespérément de quitter le pays, se comptent en fait par milliers, tandis qu’en ville, dans le centre de Kaboul, les rues sont inhabituellement désertes, les civils préfèrant rester cloîtrés chez eux.
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Les talibans ont pris le contrôle de la sécurité dans toute la capitale, y compris la zone verte, autrefois sécurisée, selon notre correspondante. Ce sont eux qui filtrent et contrôlent les voitures, y compris aux abords des postes des Nations unies. Des combattants talibans patrouillent et des sources rapportent des scènes de pillage dans certains quartiers. Des Afghans logent dans les ambassades. Écoutez ci-dessous, le reportage de notre correspondante avec les réfugiés dans l’ambassade de France.
Des dizaines de familles sont installées dans la salle de sports de l’ambassade de France, les hommes du RAID distribuent des rations alimentaires
Un dirigeant des talibans a confié à Reuters que des consignes avaient été données de ne pas effrayer les civils. Par ailleurs, selon lui, les insurgés attendent le départ des puissances étrangères pour structurer la nouvelle gouvernance du pays. L’agence de presse relate enfin que les insurgés présents dans la capitale ont commencé à désarmer les populations. « Nous comprenons que les gens aient gardé des armes pour leur sécurité personnelle. Ils peuvent maintenant se sentir en sécurité. Nous ne sommes pas ici pour faire du mal à des civils innocents », explique un responsable
► Pour aller plus loin, les éditions spéciales de la matinale sur RFI :
Avec notre correspondante à Kaboul, Sonia Ghezali, mais également Victoria Fontan, vice-présidente de l’Université américaine d’Afghanistan, et Christian Olsson, professeur en science politique à l’Université libre de Bruxelles, directeur du centre de recherche en relations internationales.
Édition spéciale Afghanistan (première partie)
Avec Firouzeh Nahavandi, professeure à l’Université libre de Bruxelles, Nassim Majidi, chercheuse et fondatrice et co-directrice du centre de recherche Samuel Hall basé à Kaboul, et Karim Pakzad, chercheur associé à l’IRIS.
Libreopinionguinee avec RFI