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Menace de grève dans l’éducation : un cocktail d’entêtement, d’ignorance et de schizophrénie

Le « succès » des derniers mouvements organisés par le SLECG était dû, en grande partie, à la sympathie voire l’adhésion des populations aux revendications des enseignants. Cette légitimité presque naturelle était surtout la conséquence de l’arrogance du gouvernement qui privilégiait les menaces et le mépris à la discussion. Mais Soumah et compagnie comprennent-ils qu’ils sont en passe de perdre ce soutien populaire ?

“Nos enfants, c’est notre éternité” disait Robert Debré. Et il est temps que syndicat et gouvernement le comprennent.

Il y’a à peine quelques mois, Aboubacar Soumah était un parfait inconnu pour le grand public. Mais l’opinion n’avait pas hésité à lui témoigner de la sympathie et à soutenir les différents mots d’ordre de grève qu’il avait lancés. Il faut dire que dans notre société chacun se reconnait facilement dans la cause des enseignants, non seulement à cause de leur rôle prépondérant dans la construction du pays, mais surtout parce qu’ils appartiennent à la très grande majorité des guinéens qui végètent dans une misère sans nom.

Ainsi les grèves des enseignants sont une sorte de guerre par procuration à laquelle la population apporte facilement son onction. Cette guerre, si elle doit avoir lieu, devra donc toujours tenir compte de l’opinion de celle-ci. Et c’est justement là où le bât blesse avec l’annonce d’une nouvelle grève dès le prochain weekend.

En une année les grèves dans le secteur de l’éducation ont endeuillé plus d’une dizaine de famille et les dégâts matériels ont été considérables. Et cela commence à peser. La lassitude gagne progressivement du terrain chez les guinéens, qui sans remettre en cause la justesse des présentes revendications catégorielles, voient dangereusement se profiler le spectre d’une année blanche.

Pareille éventualité commençait déjà à faire son chemin dans l’appareil exécutif avant la démission du gouvernement Youla. Et même le Chef de l’Etat s’était publiquement exprimé sur la question. Si la sortie d’Alpha Condé peut paraître aux yeux de certains comme de la surenchère, il n’en demeure pas moins que celui-ci reste un homme politique, capable d’un cynisme froid. Il a déjà perdu une manche face au jusqu’au-boutisme d’Aboubacar Soumah. Mais il serait presqu’impensable que le vieux renard se laisse avoir une seconde fois. Et c’est là tout le danger.

Ce duel des égos devient inacceptable quand il fait courir un péril aussi imminent à quatre cent cinquante mille jeunes guinéens, qui attendent frénétiquement de passer les examens de fin d’année. Soumah et compagnie doivent avoir le nez creux pour comprendre qu’il s’agit là d’une guerre d’usure que l’entêtement et la précipitation leur feront perdre inéluctablement. Ils pourraient même perdre le soutien des autres corps de la fonction publique, qui sont déjà repus des 40% obtenus il y’a deux mois.

Bien plus, Soumah a absolument tort de penser que la justice ne sert à rien dans le conflit fratricide qui l’oppose au camp Sy Savané. D’abord c’est une méconnaissance flagrante d’affirmer que le tribunal du travail dépend du ministère du même nom. Ensuite, si les litiges concernant la représentativité des syndicats sont bien de la compétence du tribunal du travail, ceux qui naissent du fonctionnement interne d’une organisation syndicale ne relèvent absolument pas de celui-ci.

Pour finir, personne ne remet en cause la légitimité du camarade Aboubacar Soumah à la tête du SLECG ; de même qu’il n’y a aucun doute sur le soutien de l’ancien gouvernement au camp de son rival. Mais il doit savoir raison gardée et comprendre que cette légitimité ne le dispense pas de ses devoirs républicains.

Nous vivons dans un Etat dont la justice est une partie intégrante, et aucun guinéen sous le prétexte d’un quelconque aura soudain ne devrait piétiner les règles qui régissent cette entité. Le contraire est pure schizophrénie et devrait être soignée comme telle. Les enseignants dont je fais partie ont certes des droits, mais nos enfants en ont plus. Syndicats et gouvernement doivent sortir de cet arrogant bras-de-fer qui prend en otage l’avenir de nos enfants.

Comme le disait Pythagore, « un homme n’est jamais si grand que lorsqu’il est à genoux pour aider un enfant. » Il est temps d’aider les nôtres !

Mohamed Mara 

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