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Grande interview avec Tibou Kamara : « L’Etat doit donner le bon exemple de rigueur et d’austérité »

Après un mois de grève générale et illimitée, le gouvernement et le syndicat libre des enseignants et chercheurs de Guinée (SLECG) sont parvenus à un accord au forceps.   Sur Espace fm, le ministre Conseiller à la présidence, Tibou Kamara est revenu sur l’accord obtenu entre les deux parties. Lisez

Beaucoup d’observateurs estiment que vous aurez dû commencer ce par quoi vous avez fini. Est-ce que vous êtes de l’avis de tout le monde que cette grève a été mal gérée, et qu’on aurait pu sauver la situation un peu plutôt ?

Moi, je pense qu’il faut se dire que c’est la Guinée qui a gagné et lorsque la Guinée gagne, personne ne perd. C’est vrai qu’on s’attendait à une issue plus rapidement qu’elle n’est intervenue. Mais, l’essentiel aujourd’hui et que cette crise qui a secoué tout le pays soit derrière nous à la faveur de l’accord qui est intervenu et que tous les Guinéens attendaient avec impatience, ferveur et espoir. Je voudrais dire que le mérite revient au Chef de l’Etat qui a accédé à cette requête des syndicats qui était essentiel dans la plateforme qui a été soumise au gouvernement. C’est grâce à son implication personnelle et sa volonté politique qui a été réaffirmée au cours de cette crise de faire face aux revendications des Guinéens que nous sommes parvenus à une issue heureuse. Il faut l’en remercier et l’en féliciter comme tous vos auditeurs qui n’ont cessé de le faire.

Vous êtes le numéro dix si on parlait match. Dites-nous le tournant du match ?

Le tournant du match, c’est l’implication personnelle du Chef de l’Etat. C’est sa préoccupation face à l’avenir à cette jeunesse comme il l’a dit dans son discours à la nation, dans laquelle il place un immense espoir et une confiance totale. C’est vrai que beaucoup estiment que la solution est intervenue beaucoup plus tardivement. Mais elle est intervenue tardivement parce qu’il fallait faire beaucoup d’arbitrages. Il fallait identifier les différents postes où on aurait pu avoir les ressources nécessaires à faire face à cette revendication dont l’impact sur le budget est quand même considérable. Donc, il a fallu du temps et un processus de discussion interne et externe pour franchir les difficultés l’une après l’autre pour parvenir au résultat heureux.

Je pense que si on avait la solution dès le départ en tant qu’hommes responsables et patriotes et surtout comme le Chef d’Etat l’a encore dit. Sa vocation, c’est de trouver des solutions aux problèmes qui se posent aux pays. On ne peut pas se payer le luxe d’une crise ou de perdurer dans la crise. Si on avait une solution immédiate dans la main, il a fallu vraiment son engagement, sa détermination, ses encouragements et son exhortation au quotidien pour que vraiment chacun multiplie les efforts et fasse preuve d’ingéniosité pour essayer de trouver une solution à cette crise comme les Guinéens l’avaient souhaité.

Donc, à mon avis ce n’est pas le moment de distribuer des bons ou des mauvais points ou de jeter la pierre à certains ou d’encourager ou d’exhorter d’autres. Le plus important, je l’ai dit, c’est la Guinée qui gagne parce qu’aujourd’hui le sentiment de soulagement qui anime les populations et aussi la fierté de ceux qui ont œuvré à ce processus explique en grande partie le climat de décrispation que le pays vit aujourd’hui grâce à cette implication de chacun et de tous. Donc c’est l’aboutissement d’un effort collectif et c’est l’aboutissement aussi de tous les sacrifices parce qu’il y a des héros anonymes et connus.

Il n’y a pas un Guinéen qui n’a pas été préoccupé par cette crise. Il n’y en a pas un seul qui n’a pas œuvré pour sa résolution. Je pense qu’aucun de nous ne travaille pour sa vanité personnelle ou sa gloire personnelle. Nous travaillons pour que  le pays soit stable et l’histoire reconnaitra à chacun ce qu’il a pu apporter à ce pays le moment venu.

Est-ce qu’on peut dire que le palais était un peu hanté. Finalement il y a les faucons qui ne voulaient pas que la crise prenne fin.

D’abord, le Chef de l’Etat est à l’écoute de chacun et de tous. Et quand il en est ainsi, c’est toujours difficile de prendre une décision parce que vous êtes soumis à beaucoup d’avis, beaucoup de recommandations, beaucoup de propositions et généralement chacun pense avoir raison. Et quand il est ainsi, il lui faut du recul, du temps et faire un effort du discernement pour essayer d’aller dans le sens de ce qu’on pourrait appeler la majorité silencieuse comme il l’a indiqué. Donc, le processus de décision d’un Chef d’Etat n’est pas toujours aisé parce qu’il est confronté à beaucoup d’avis de collaborateurs, de conseillers, de ministres et même de citoyens puisque les citoyens aussi ont droit à la parole, lorsqu’il s’agit des affaires de la cité.

Et donc, c’est un homme comme un autre soumis à beaucoup d’influences, et à beaucoup de conseils et de conseillers. Il lui est parfois difficile de savoir de quel côté aller et quelle est la bonne décision en fin de compte. Mais le plus important est à ce qu’il finisse par faire ce que tout le monde attend de lui comme il l’a fait. C’est-à-dire contribuer à apaiser nos populations et assurer la stabilité de l’Etat et des institutions et surtout montrer qu’il est à l’écoute de son peuple.

Parce que c’est ce peuple qui s’est exprimé pour lui demander de trouver une solution au-delà de ce qui était même possible. Je pense qu’il a des mérites à avoir compris cela. Et aujourd’hui, c’est tout à son honneur de contribuer à la paix sociale et aussi d’éviter à notre jeunesse de l’envoi à un avenir un certain.

C’est pourquoi, je dis encore il faut la remercier et la féliciter. Comme il l’a dit, ce n’est pas un secret, il en tirera les conséquences pour que non seulement nous n’ayons plus à connaitre de crise et que pour que ce pays soit en paix, en paix avec lui-même et en paix avec les autres.

Vous venez de marquer des points. Les syndicats ont confiance en vous. Vous savez des langues ou des voix se lèvent pour dire que peut être que ces engagements ne seront pas respectés. Quelles sont les garanties aujourd’hui ?

Moi, je pense que la première garantie la plus importante. C’est la parole du Chef de l’Etat en qui nous avons entièrement confiance. A propos de cela, il ne faut pas confondre les engagements personnels du Chef de l’Etat que parfois nous sommes amenés à relayer auprès de nos concitoyens et les engagements qu’on peut prendre en son nom et pour son compte et dont il n’est pas forcément au courant. Je pense que de ce point de vue, il y a un gros mal entendu par fois, il y en a qui parlent au nom du Chef de l’Etat ou prennent des engagements à son compte sans lui consulter, et sans lui en faire compte rendu après.

Cette fois-ci, nous avons consulté le Chef de l’Etat. Nous avons agi sous son mandat et sous ses instructions. C’était clair et net et chacune des étapes de cette discussion avec les syndicats, il lui a été fidèlement rendu compte de l’évolution de discussions. Et il n’a pas manqué de donner des orientations à partir des quels moyens nous sommes parvenus à cet accord. Je peux garantir à nos partenaires syndicats que tout ce qui a été fait, c’est en un parfait accord avec le Chef de l’Etat, sinon ça n’aurait pas été possible.

Et si nous sommes engagés sur notre honneur et à partir de la confiance qu’ils nous ont porté pour discuter avec eux, c’est parce que nous avons expressément reçu le mandat du Chef de l’Etat, et qui nous a rassurés comme toujours, que lorsqu’il s’engage comme il est de son devoir, il tient sa parole. Jusqu’à présent, nous, ses collaborateurs à qui il a donné sa parole, nous n’avons pas pris à défaut de parjures.

J’espère que les colombes vont se multiplier autour du Chef de l’Etat et que les faucons vont disparaitre. Est-ce que le gouvernement a accepté de donner d’une main et va reprendre de l’autre main, c’est-à-dire est ce qu’on peut s’attendre au-delà du coût budgétaire parce que j’ai entendu que l’Etat va réduire son train de vie ?

Je pense que le président a fait un discours d’orientation en disant qu’il va lutter contre l’impunité. Il va lutter contre les gaspillages des ressources publiques. Il va rationnaliser les dépenses et augmenter les recettes. Vous savez, c’est un défi pour tous les Etats de réduire autant que possible et chaque fois que c’est nécessaire les dépenses de fonctionnement, les dépenses liées à l’Etat de manière à ce que l’on accorde la priorité et la primauté aux besoins d’investissement donc à l’amélioration de la qualité de vie des citoyens. Je pense que cet effort, elle sera faite au plus haut sommet de l’Etat.

Les citoyens en accompagnant le gouvernement dans les mesures d’assainissement de l’économie consentent de sacrifices immenses et d’ailleurs, j’avais expliqué tout à l’heure, en ce qui concerne la flexibilité des prix. Vous avez expliqué l’effort que l’Etat consent, justement pour ne pas alourdir les charges sur les concitoyens. Parce que la majorité silencieuse a droit à un mieux-être, a droit à connaitre une meilleure qualité de vie. Et ce n’est pas juste de faire supporter à cette majorité les conséquences de l’effort de redressement économique et financier.

On dit toujours que l’exemple vient d’en haut si les citoyens voient l’exemplarité au sommet de l’Etat, voient une utilisation rationnelle des ressources publiques, voient une volonté politique de s’engager dans la lutte qui est essentielle contre la corruption, contre l’impunité, les détournements de deniers publics. Lorsque l’Etat fait ses devoirs et que les citoyens le constatent, il n’y a pas de raison pour leur part qu’il n’en fasse pas autant.

On ne peut pas demander aux citoyens de faire de sacrifices lorsqu’ils estiment que l’Etat lui-même ne montre pas l’exemple de rigueur et d’austérité. Si l’exemple vient d’en haut, il y a de raison qu’un citoyen ne fasse pas l’effort de contribuer à la prospérité de leurs pays.

Est-ce que les 40% vont être appliqués uniquement sur les salaires des enseignants ou bien ce sera pour tous les fonctionnaires de la République de Guinée ?

Vous savez, l’accord qui a été conclu, nous aurons l’occasion de l’expliquer pour qu’il soit bien compris et assimilé par tous. Attendez, nous venons à peine de le conclure. Nous avons de partenaires auxquels nous allons l’expliquer et également à l’ensemble des opinions, pour que chacun soit édifié sur les tenants et les aboutissants de cet accord. Ne soyez pas pressés, on vient à peine de le conclure et nous allons faire en sorte que chacun puisse se l’approprier de manière justement à éviter des inquiétudes ou à soulever des polémiques.

Au-delà de cette crise liée à l’éducation, il y a une crise politique dont on ne parle pas. Pourtant, elle est en l’air. Aujourd’hui, qu’est ce qui est mis en place dans la résolution de cette crise ?

Je pense que vous l’avez dit dans votre émission, il est évident que le Chef d’Etat accorde sa confiance à certains de ses collaborateurs pour prendre en charge l’ensemble des problèmes qui se posent à la nation. Chacun est à sa place et joue pleinement son rôle même si on peut dans le cadre de l’esprit d’équipe comme on l’a montré dans cette crise s’entraider pour trouver rapidement des solutions aux problèmes.

Vous savez que le dialogue politique est un processus permanent qui a permis d’aboutir à l’accord qui nous a conduits aux dernières élections communales. Jamais le dialogue n’a été rompu avec les acteurs politiques. Nous allons poursuivre cet effort de concertation afin aussi de trouver une issue heureuse au contentieux électoral qui est à l’origine aujourd’hui des manifestations que l’opposition projette de faire, mais comme nous avons l’habitude de le dire, entre Guinéens, on finit toujours par s’entendre. Parce que chacun de nous est animé de la fibre patriotique. Et, chacun aussi connait les limites à ne pas franchir pour ne pas nous mettre tous en danger et mettre le pays dans une situation irréparable.

Donc, je pense que le plus important, je ne dirai pas c’était la crise syndicale mais en tout, c’était la préoccupation la plus immédiate qui interpellait l’ensemble de la nation. Donc, nous avons concentré les efforts sur la résolution de cette crise, surtout qu’il y avait le spectre d’une année blanche qui planait sur les têtes, maintenant que cette crise est derrière nous, nous allons aussi nous atteler à reprendre le dialogue avec les acteurs politiques de manière à les mettre en confiance pour que le débat quitte la rue et soit autour de la table. Comme, on a l’habitude ces derniers temps pour apaiser le climat social.

Vous avez donné, l’exemple de Kenya, après une confrontation à laquelle nous avons assisté tous à travers le monde. On a fini par la paix. On a fini par une cohabitation civilisée parce que c’est cela aussi les principes démocratiques, de respect mutuel, la cohabitation intelligente entre les acteurs qui incarnent quelque chose. On ne peut pas ignorer aujourd’hui qu’il y a une opposition dans notre pays parce que nous sommes en démocratie.

On ne peut pas aussi se passer de discuter avec une opposition pour parvenir à une paix durable dans notre pays. Je vous félicite vous les médias de contribuer par votre ton et par votre démarche à aider les acteurs à se parler même indirectement pour que la compréhension règne enfin de compte. Pour que la Guinée soit toujours gagnante. Les hommes passent la Guinée demeure. Il ne faut jamais l’oublier.

Le Démocrate

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