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El hadj Mamadou Sylla raconte les derniers moments de Conté : « ce jour il a commandé du Lafidi, il a voulu manger mais ça n’allait pas. Il a dit qu’il avait le palu »

CONAKRY- Savez-vous comment l’ancien président, feu Général Lansana Conté a vécu ses derniers moments à Conakry ? El hadj Mamadou Sylla, l’ancien Président du patronat guinéen, réputé avoir été très proche a fait assez de révélations sur la vie de « l’homme du 3 avril 1984 ». Ses derniers moments de vie, mais aussi la période de l’agression rebelle contre la Guinée, El hadj Mamadou Sylla a partagé avec nous ses souvenirs. Exclusif !!!


Le 23 décembre dernier, les guinéens ont commémoré le triste anniversaire de la mort du président Lansana Conté. Vous étiez l’un de ses proches, que retenez-vous de l’homme du 3 Avril 84 ?

EL HADJ MAMADOU SYLLA : Je vous remercie beaucoup, quand on parle de l’anniversaire du décès du Président Conté je suis l’homme le plus triste parce que je retiens beaucoup de choses sur l’homme. Je vois les derniers jours de sa vie qu’il a faits en dehors de la maison mortuaire, il était chez moi ici. La dernière fois il était chez moi jusqu’à 22heures. D’habitude il mangeait tout, ce jour il a commandé du Lafidi, il a voulu manger mais ça n’allait pas. Il a dit qu’il avait le palu et tout. Il a dit à ses chauffeurs de le faire partir. J’ai dit au Président vous avez commandé et vous ne voulez pas manger ? Il m’a dit encore ça va. Mais il faut qu’il parte.

Je me rappelle ce jour j’ai fait venir mon docteur qui est un congolais. Ce dernier lui a apporté des calmants. Il a donné des dolipranes au Président ce jour, quelques minutes après, il a dit qu’il partait il a insisté pour dire que ça ne va pas aujourd’hui.

On s’est mis dans le cortège pour partir, il a dit envoyez-moi au camp. Je ne sais pas qu’est ce qui l’avait guidé ce jour sinon ces derniers temps il était souvent à Donka chez sa deuxième épouse. Mais ce jour nous sommes partis au camp et depuis qu’il est entré ce jour au camp il n’est plus ressorti.

Et puis c’était un homme de parole, beaucoup retiennent ça de lui, quand il dit il fait, il fera, quand il dit non il ne fera pas du tout même si les canons vont tomber il ne fera pas. Je me rappelle une fois, on était au Palais quand il y a des histoires entre d’autres personnes dont je ne citerai pas ici et moi. Le Président a dit Sylla on peut aller chez toi, en ce moment j’étais très chaud quand les histoires ont éclaté entre certains hommes d’Etat et moi. Ces personnes ne voulaient pas que le Président vienne chez moi, ces personnes se disaient que ce n’était pas bon pour eux quand le président vient chez moi. Mais le Président a dit allons y. Ils ont tout fait pour empêcher le Président de venir. L’intéressé s’est même arrêté devant la voiture, tout ça pour empêcher, malgré tout le Président a dit au chauffeur allons y. L’intéressé était obligé de se mettre de côté en vitesse. On est venu nous asseoir ici pendant longtemps. C’est un homme qui était comme ça quand il décide de faire quelque chose, il le fera, quand il marque le refus aussi, sa décision est irrévocable. C’était un homme de parole.

Monsieur Sylla, le Président Conté avait été donné pour mort plusieurs fois, vous nous dites là quelques jours avant son décès il était chez vous ici. Est-ce que vous vous attendiez à une mort si rapide du Président ?

J’avoue on disait qu’il dormait longtemps sans se réveiller, moi-même je venais souvent on me disait qu’il ne s’était pas réveillé encore. Parfois moi-même j’ai participé à le réveiller tout ça. Mais j’avoue le jour qu’il a quitté chez moi ici, je ne pensais pas que la maladie qu’il qualifiait de palu pourrait l’emporter.

Vous savez quand quelqu’un tombe gravement malade, parfois on crie en famille, certains pleurent même avec tout le désespoir pensant que le proche va mourir mais généralement il peut avoir raison de cette maladie et se lever mais si quelqu’un a l’habitude de tomber malade comme ça et se lève. Un jour comme il doit partir même une petite maladie peut l’emporter facilement soit des suites de maux de tête ou de paludisme. Je ne savais pas que cette maladie qu’il a qualifiée lui-même de palu allait l’emporter, je ne l’avais pas imaginé.

Vous étiez très proche du président Conté, parlez-nous du début de vos relations, comment vous avez fait connaissance ?

Bon, c’est un peu loin cette histoire. Je rappelle qu’il se connaissait avec mon père quand il était commandant de la zone militaire de Boké, notre maison familiale à Boké n’est séparée du camp que par la route. Mais nous avions perdu les contacts entre nous. Finalement mon père est parti à Banankoro, moi j’ai suivi après. Avant que le Général Conté ne devienne Président, il a occupé d’importantes fonctions au sein de l’armée. Il a été commandant de zone à Boké et d’autres villes du pays, il a fait le long des frontières, il a fait Koundara, Gaoual etc. Je pense qu’en ce moment il avait le grade de Capitaine. Pendant ses parcours mon père et moi s’occupions de nos affaires. Finalement il est devenu Président de la République, beaucoup de temps ont passé mais il a été vraiment reconnaissant envers mon père.

Mais à cette période moi je n’étais pas là. Entre temps mon père est décédé. Mais avant son décès j’avais commencé avec les contacts avec le Président. Mais c’était des contacts autour d’une affaire d’une équipe de football, le club olympique de Kakandè. C’est grâce à ça que je me suis beaucoup plus approché du Président.

Il y avait eu des problèmes dans le club, on m’a choisi comme président de club, cela a suscité beaucoup de bruit à Boké, cette affaire a été rapportée au Président qui a même envoyé des missionnaires pour voir ce qui se passe. Des gens ont dit que c’est un certain Monsieur Sylla qui est le problème, certains m’ont même traité de malien, ils ont dit que c’est un malien qui veut retirer le club de football avec les guinéens. Du coup, le Président a demandé à ce qu’on lui envoie ce malien-là. C’était pour dire c’est un malien peut venir faire la pagaille on va lui retirer le club. Le chef de mission qui est allé me chercher à l’époque, était feu Ibrahima Mongo. Nous sommes venus ensemble à Conakry jusqu’au Palais, en ce moment c’était le Palais des nations qui n’était pas encore brulé par la mutinerie de l’armée.

Dès qu’il m’a vu venir, le Président Conté a dit Monsieur Sylla toi aussi tu fais partie de cette affaire, Mongo a dit il s’agit du même Monsieur Sylla. Le Président a dit c’est lui que vous faites passer pour un malien ? Le Président Conté a dit « lui je le connais et je connais son père toute sa famille d’ailleurs. Il a dit aussi désormais tout ce que les guinéens me diront je ferai attention parce qu’on peut mentir sur quelqu’un alors ce n’est pas vrai ».

Depuis lors il a commencé à freiner les gens qui viennent rapporter les autres, finalement quiconque venait lui dire quelque chose il vérifie d’abord avant de prendre toute décision. Franchement tout est parti comme ça. Finalement le Président m’a dit va éteindre tout le problème à Boké, parce que je seul à pouvoir le faire. C’est comme ça que nous sommes restés en contact petit à petit jusque vers la fin. C’est vrai à un moment donné il y a eu des petits problèmes entre nous. Nous avons rompu nos relations qui ont duré 10 ans. Nous avions tout rompu carrément on ne se voyait pas parce que les gens sont rentrés entre nous et tout.

Quand nous avons repris nos relations vers la fin, il a dit désormais nous connaissons qui est guinéen qui ne l’est pas. Maintenant personne ne va rentrer entre nous, depuis lors nos relations sont restées bonnes jusqu’à sa mort, nous sommes restés de très bons amis sans problème

Votre relation avec le feu général conté est ancienne, vous l’avez rappelé, mais nous avons appris qu’elle s’est beaucoup fortifiée lors de l’agression rebelle contre la Guinée en 2000. Vous aviez accepté la proposition du président Conté de l’épauler pour mettre hors d’état de nuire la rébellion. Parlez-nous un peu de cette période.

J’avoue que c’est entre autre, il y a eu ça mais je rappelle que ce n’est pas l’agression qui a fait qu’il y a eu plus de rapprochement entre nous et le frottement et tout. C’est vrai c’est venu après dans les relations, mais avant, nous avons entretenu des relations saines.

J’avoue que mon premier mariage, c’est le Président Conté qui m’avait obligé à me marier pour la première fois. Il m’avait dit un jour je veux te confier des responsabilités mais on m’a dit que tu n’es marié. Il m’a encouragé, à mon mariage 18 ministres ont répondu présents. Il y avait eu un monde fou, les Sory Doumbouya, même la première dame. Tout ça c’était des bonnes relations.

C’est après tout ça que le problème de rebelle est arrivé, mais en ce moment le Président achetait beaucoup de choses avec moi. Mais pendant l’agression rebelle, le Président a eu besoin de véhicules 4×4 double cabine destinés à l’armée.

Il y avait un fournisseur de véhicules en Guinée du nom de Ammar Taleb, les Toyota de l’Etat sont achetés avec lui. Comme le Président payait des Toyota là-bas, il a appelé la fille du vieux qui gérait là-bas pour demander 30 véhicules, elle s’appelait Diamila Mme Mbemba Bah, la dame a dit je ne peux pas servir tout ça à crédit mais il faut que je demande à mon père.

Elle a demandé à son père qui a dit non parce que les rebelles sont à la porte si ceux arrivait à défier l’Etat guinéen alors qu’il a fourni des véhicules, personne ne va le rembourser. Le fournisseur a décliné l’offre. Sa fille est venue voir le Président en pleurant même, elle a dit au Président, vous avez tout fait pour nous ici, vous payez toujours les véhicules avec nous mais mon père a dit qu’il ne peut pas livrer. Alors le président a demandé à beaucoup de commerçants de la place tels que Alpha Amadou de Linsan et à beaucoup d’autres personnes, mais les gens n’avaient aucune volonté et de courage pour livrer.

Mais Diamila qui était toujours là a dit au Président il y a un jeune qui vient souvent ici que vous connaissez. Ce jeune est dans d’autres créneaux : les cartouches, les fusils de chasse et tout. Je suis certain si vous parlez à ce jeune il pourrait vous aider. En ce moment le Président était avec Cheick Amadou Camara ministre des finances à l’époque. La dame a dit mon nom. Cheick a dit qu’il me connait. Alors le Président a dit il vient de quitter même. C’est comme ça que je suis entré dans l’affaire de véhicules, au début ce n’était pas mon monde, j’étais juste dans l’affaire de riz et autres.

Après ils m’ont appelé pour m’expliquer le problème, ils m’ont dit il nous faut 30 véhicules maintenant là, à mon arrivée le Président a dit allez dans le bureau de Cheick pour trouver la solution. Ce qui fut fait. Diamila Cheick et moi sommes partis, il était question de trouver immédiatement les véhicules.

J’ai demandé le contrat d’abord et qu’on me paye. Ils m’ont dit qu’il n’y a pas d’argent, j’ai dit payé au moins une partie de l’argent c’est-à-dire les 30% comme prévu dans la loi des marchés publics. Ils m’ont dit qu’ils n’ont rien, Cheick est là vous pouvez demander.

J’ai dit vous me donnez le contrat quand même. Cheick dit que chaque heure que tu traines ici ce n’est pas bon, il dit le contrat on le donner mais fait tout pour faire venir les véhicules, parce qu’on n’a même le temps de faire le contrat, donc ça va prendre du temps, il faut que tu pars maintenant.

Donc j’ai demandé à Diamila où on pourrait trouver 30 véhicules sur place partout dans le monde. Elle me dit il faut qu’on aille à Dubaï le même soir on a pris l’avion pour Dubaï. Nous avons trouvé 30 véhicules. J’ai acheté les 30 tout demandant quand est-ce on va embarquer les véhicules, ils m’ont fait savoir l’embarquement et l’arrivée des véhicules à Conakry feront 60 jours alors que les rebelles étaient à la porte du pays. J’ai appelé le Président il me dit que 2 mois c’est trop et même une journée de plus ce n’est pas bon. Il faut que tu trouves les moyens, alors que le bateau est attendu à Conakry dans 2 mois.

En quittant j’ai appelé mon fournisseur à Paris qui i s’appelle Arnold pour lui dire on a un problème de véhicules. Je lui ai demandé si on peut trouver des véhicules parce qu’un besoin est imminent au pays. J’ai insisté qu’il me dise dans quelle partie de l’Europe pourront être disponibles des véhicules, surtout en Europe le Bateau est plus rapide par rapport à l’autre côté. Après avoir demandé partout il a eu des renseignements qu’il y a 24 véhicules en stock en Belgique, il me dit une semaine suffit pour que les véhicules arrivent à Conakry. J’ai expliqué au Président il me dit saute sur ça le plus vite que possible et prend directement.

J’ai demandé à ce qu’on m’envoie les factures, moi-même je suis allé à Paris pour aller voir les véhicules en Belgique. De là je suis parti à New-York avec toutes les factures. Mon compte bancaire était là-bas, j’ai ordonné des virer le paiement des véhicules en Belgique.

Les véhicules sont arrivés à Conakry, nuitamment le Président a ordonné la sortie de ces véhicules pour le camp où ils ont mis une couleur militaire afin de partir avec à la frontière. Entre temps les véhicules de Dubaï sont arrivés aussi les 30 véhicules. J’ai dit au Président deux lots de véhicules sont venus. Il me dit reste tranquille même si c’est 100 véhicules je vais prendre parce que tu as fait une bonne chose. C’est comme ça il a pris encore les 30 véhicules. On me devait 50 et quelques mille. J’ai livré tout ça sans qu’on me donne un seul morceau de papier du contrat ou 1 franc.

Alors quand tu entends les gens dire qu’il (Mamadou Sylla NDLR) a détourné de l’argent. Je ne sais comment détourner l’argent alors qu’ils n’ont même pas les moyens de payer le minimum ou donner le contrat. Voilà un peu ce qui s’est passé après par rapport à l’agression rebelle et tout ça. Depuis lors nous avons continué sur les tenues, les véhicules militaires, les gros engins lourds c’est comme ça que je suis rentré dedans.

Merci Monsieur Sylla !

Merci beaucoup !

Source Africaguinee.com

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