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CURIEUSE AFFAIRE ABOUBACAR SIDIKI MARA ET L’ARRET QUI REND UN PEU DE CREDIBILITÉ A LA JUSTICE

A son audience du 23 mai 2018, la deuxième Chambre de contrôle de l’Instruction de la Cour d’Appel de Conakry, présidée par Mme Irène Marie HADJIMALIS, a rendu un arrêt pour le moins courageux et conforme au droit dans l’affaire qui oppose le ministère public, donc l’Etat au syndicaliste Aboubacar Sidiki MARA, poursuivi pour Manifestation illicite dans les extensions d’une installation minière et portuaire.
De quoi s’agit-il ? La lecture de l’Arrêt est édifiante.

Muni d’un ordre de mission de sa centrale syndicale, monsieur Aboubacar Sidiki MARA, secrétaire général adjoint de l’Union Général des Travailleurs de Guinée (UGTG) se rendrait, sur invitation des travailleurs des entreprises UMS, WAP, SMD et la CDM évoluant toutes dans les mines à Boké. La présence de Aboubacar MARA à Boké ne serait que la réponse de sa centrale à la demande contenue dans la lettre d’invitation des travailleurs, celle-ci accompagnée d’une autre correspondance annonçant leur adhésion à l’UGTG.

Avant d’entrer en contact avec les travailleurs, Monsieur MARA, en syndicaliste avisé, se présenterait au Préfet et ferait viser son ordre de mission par un des secrétaires généraux de la préfecture, sur ordre du préfet.

Monsieur MARA aurait, en outre, écrit à monsieur le Préfet de Boké, l’informant de la tenue des festivités de la fête du travail le 1ier mai 2018, à la place des martyrs. Celui–ci l’inviterait à se joindre aux autres centrales syndicales à la maison des jeunes où les festivités devaient avoir lieu. Ce qu’il aurait, du reste, respecté.

Les travailleurs de toutes les entreprises ci-dessus se seraient désaffiliés de l’USTG pour rejoindre l’UGTG. Les raisons de cette désaffiliation massive seraient entre autres :
1. La non-prise en charge des travailleurs à la caisse Nationale de Sécurité Sociale,
2. Le non-respect de l’article 176.6 du code de travail relatif aux motifs objectivement vérifiables du licenciement ;
A l’issue des entretiens, Aboubacar Sidiki MARA aurait promis auxdits travailleurs qu’il se battrait pour leur cause, afin d’améliorer leurs conditions de vie et intercéderait auprès de L’Etat, afin qu’à défaut de supprimer la sous-traitance, des mesures adéquates soient prises dans l’intérêt de ces travailleurs.

Un banquet est organisé, qui se déroulerait sans aucun incident.

Dans la nuit du dimanche 6 mai au Lundi 07 Mai 2018, à 3 heures du matin, le Gouverneur de Boké, le Préfet de Boké, le Commissaire central et le commandant adjoint de la gendarmerie de cette localité se rendent à l’Hôtel, où dormait tranquillement Monsieur Aboubacar Sidiki MARA pour, sans décision de justice mettre celui-là aux arrêts et manu military, le transportent au PM3 sis à Matam à Conakry, aux environs de 7heures du matin, d’où il est conduit au parquet de Dixinn.
Le motif de la privation de la liberté de Monsieur A S MARA est incitation à la révolte et trouble à l’ordre public dans la ville de Boké.

Après examen des résultats de l’enquête préliminaire par le service de police judiciaire du PM3 et ayant accompli toutes les formalités de l’information judiciaire par le juge d’instruction,
Monsieur le Juge d’instruction ordonne la mise en liberté de Monsieur Aboubacar Sidiki MARA, qui ne reconnait pas avoir incité à la révolte, en aucune manière, les travailleurs et d’avoir causé un quelconque trouble à l’ordre public.

Le juge d’instruction assortit cette mise en libertés du contrôle judiciaire comportant l’astreinte à diverses obligations, dont celles de ne pas sortir des limites territoriales de la ville de CONAKRY, ne pas se rendre à Boké jusqu’à la fin de la procédure et mettre son passeport guinéen à la disposition de la Justice

C’est contre cette ordonnance que le 11 mai 2018, le Procureur de la République près le Tribunal de Dixinn a fait appel de cette ordonnance.

La chambre 2ème du contrôle de l’instruction a statué sur cet appel de M. Sidy Souleymane N’DIAYE, en ces termes, citation : « Constate les nombreuses violations des garanties et formalités procédurales prévues par l’article 9 de la Constitution et par les articles préliminaires, 61, 218, 222, 228, 231, 276, 444 du code de procédure pénale ».

Comme on peut le voir, un (1) article de la Constitution et 7 articles du Code de procédure pénale ont été violés par les autorités de Boké et l’appel du Parquet de Dixinn devrait contribuer à masquer ces violations de la loi.
Peut-on reprocher à un syndicaliste d’accomplir l’action syndicale de conquérir de nouveaux adhérents au profit de sa centrale ? Au nom de quel principe peut-on confondre une réunion syndicale et un banquet à un trouble à l’ordre public ?
C’est après la nouvelle de l’arrestation de MARA que des troubles se sont produits à Boké. A qui la faute ? Ce qui est en jeu, c’est l’exercice du droit constitutionnel de l’activité syndicale. L’effort de museler les syndicats est ostensible dans cette manière insolite de procéder à la privation de la liberté. Comment peut-on sans trembler s’amuser allégrement avec la dignité et la liberté des personnes ? Arrêter un père de famille, plonger sa famille brutalement dans le désarroi, sans droit et sans respect des formalités de la loi est une pratique barbare.
Nous avons une constitution qui veut que l’on ne perde sa liberté que pour les motifs et selon les formes prévues par loi, or la décision du juge d’instruction et l’arrêt de la chambre vont dans le même sens de la mise en liberté de MARA. C’est qu’il n’y a pas charges sérieuses contre lui.
En plus de la violation du droit syndical, l’arrestation avant 6heures du matin et après 21 heures est prohibée par la loi.
Une infraction commise à BOKE, par une personne arrêtée à BOKE, doit être jugée à BOKE, si l’on veut respecter la loi. C’est la règle de compétence des tribunaux qui est violée. Or, il y a bien un tribunal de première instance à BOKE, alors pourquoi à Conakry ?
La 2ème chambre du contrôle de l’instruction a confirmé la mise en liberté sous contrôle judiciaire de Monsieur Aboubacar MARA.
Ce qu’il faut saluer dans l’Arrêt de cette chambre, c’est le courage de dire à l’Etat et ses agents que la loi est égale pour tous, nul n’est au-dessus d’elle.
Malheureusement, les magistrats du Parquet général volent au secours du Procureur de la République près le Tribunal de Dixinn, en relevant un pourvoi contre cette décision qui devrait inspirer les magistrats guinéens, afin qu’ils prennent conscience que de leur courage dépend l’Etat de droit en Guinée et la dignité de la personne.
En attendant de savoir ce qu’en diront les magistrats de la Cour suprême, disons aux trois respectables dames qui ont composé cette formation de la Cour d’Appel : Bravo, au juge d’Instruction de Dixinn e tà Mesdames les Magistrats de la 2ème Chambre, votre décision est héroïque et continuez, l’histoire peut observer le silence, mais elle n’est ni muette, ni sourde, ni aveugle.
Puissent d’autres magistrats suivre la piste que vous avez ouverte vers la primauté de la loi et le respect de droits de l’homme.
Badara Aly SADJA

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