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Guinée : des défis accrus pour 2018

L’année 2017 s’en est allée en laissant sur nos langues comme un goût de brûlé, voire d’inachevé. Pourtant les projections macroéconomiques, toutes optimistes, ont suscité beaucoup d’espoir. Mais douze mois après, 2018 nous offre un faciès inquiétant tant les défis qui nous attendent sont nombreux et la volonté de les relever mince.

Qu’on se le dise clairement, les embellies macroéconomiques enregistrées ces deux dernières années tardent à colorer l’assiette du guinéen lambda. Bien au contraire, les multiples grèves et convulsions sociales démontrent que les citoyens ont de plus en plus de mal à trouver une solution à leurs besoins les plus primaires. L’annonce d’une projection de croissance autour de 6,7 pour cent a donné à espérer ; mais l’inflation repartie à 8,5 pour cent, due surtout à un franc des plus glissants, rappelle à une réalité beaucoup moins euphorique. La redynamisation des fondements macrocosmiques doit constituer la principale priorité de la gouvernance au cours de l’année qui commence.

Cette redynamisation ne se fera pas dans l’immobilisme actuel que connait le pays. Il est urgent que le Chef de l’exécutif insuffle une bouffée d’oxygène à la structure et la composition d’un gouvernement, qui est plus près de ses limites qu’à opérer des prouesses. Ce remaniement devrait tenir beaucoup plus compte des compétences que de calculs politiciens court-termistes. Ce nouveau gouvernement devrait également rassembler au-delà du camp présidentiel, du sang neuf venu de la société civile et de formations politiques souhaitant travailler sincèrement à tirer le pays des abysses.

Une telle ossature gouvernementale aura pour atout principal, outre les qualités intrinsèques de ses membres, la capacité de fédérer plus de volonté, d’opinions et de forces capables d’endiguer rapidement des travers qui nous assaillent comme la desserte en eau et électricité, l’approvisionnement en produits de grande consommation, la sécurité, etc. Il aura aussi l’avantage de freiner les discours clivant qui sont, si l’on n’y prête garde, le ferment qui débouchera sur une implosion du tissu social en Guinée.

On le sait, une bonne gouvernance économique est tributaire d’une meilleure gouvernance démocratique. La réalité de l’Etat de droit dans notre pays commencera par la volonté sans faille du président de la République à respecter la loi, avant de la faire respecter par son gouvernement, ses proches et enfin aux reste des citoyens. Il rendrait un grand service à la Nation et à sa propre histoire en renonçant urgemment à la velléité de présenter à référendum une nouvelle Constitution qui lui autoriserait troisième un mandat à la tête du pays.

Ainsi, il annoncerait le début de la recomposition du paysage politique guinéen. Cette recomposition s’impose et doit se faire quand un minimum d’instruments juridiques et institutionnels sont encore en place. La présence du Chef de l’exécutif non candidat à sa propre succession sera alors une garantie essentielle à une alternance en douce dans un pays des plus fragiles. Cette gouvernance démocratique concernera aussi la lutte contre la corruption et les violences basées sur le genre, la moralisation de la vie publique, une meilleure répartition des ressources du pays, le respect des libertés politiques, syndicales et de la presse.

Enfin, il faudra assurer les moyens d’une véritable indépendance aux institutions constitutionnelles qui existent. La Guinée aborde cette année une série d’élections qui s’achève avec l’alternance démocratique en 2020. Le respect des attributions de chacune d’elles est une condition sine qua non à la stabilité du pays. La mise en place de la Haute Cour de Justice sera un autre signal fort de la fin de la recréation pour les experts en prévarication et les violateurs impénitents de la Constitution au plus haut niveau.

On le voit donc, l’année 2018 s’annonce avec de grands défis et l’expérience récente de notre pays laisse présager des lendemains incertains. Mais comme le dit Antonio Gramsci, « le pessimisme de la connaissance n’empêche pas l’optimisme de la volonté. »

Mohamed Mara sur Radio Espace

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